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Gabrielle Chamarat (Éditeur scientifique)
EAN : 9782266083072
634 pages
Pocket (08/05/1998)
  Existe en édition audio
4.17/5   1642 notes
Résumé :
Publiée en 1856, "Les Contemplations" est une œuvre majeure du Romantisme français qui intervient au milieu de la vie du poète, romancier, dramaturge et homme politique.
À cinquante-quatre ans, il est exilé sur l'île anglo-normande de Guernesey après son opposition à Napoléon III, et est brisé par la mort accidentelle de sa fille Léopoldine, noyée dans la Seine. Il met à profit cette période de repli sur lui-même pour réunir ses poèmes dans lequel il est tou... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (108) Voir plus Ajouter une critique
4,17

sur 1642 notes
Quel sublime et tendre recueil que Les Contemplations.
On découvre un Victor Hugo meurtri, qui se réfugie dans la nostalgie et le lyrisme. Dans des poèmes souvent mélancoliques, il sublime aussi bien l'amour et la nature que le souvenir douloureux mais rêveur de sa fille disparue.
Si Hugo peut paraître antipathique dans son égocentrisme permanent, il nous dévoile ici une faille et sait nous subjuguer dans ses contemplations.

Je vous fait partager un extrait du premier poème du livre premier, "À ma fille", que je trouve particulièrement beau:

"Ce peu de chose est ce que, pour sa part,
Dans l'univers chacun cherche et désire :
Un mot, un nom, un peu d'or, un regard,
Un sourire !

La gaîté manque au grand roi sans amours ;
La goutte d'eau manque au désert immense.
L'homme est un puits où le vide toujours
Recommence.

[...]

Le ciel, qui sait nos maux et nos douleurs,
Prend en pitié nos jours vains et sonores.
Chaque matin, il baigne de ses pleurs
Nos aurores.

Dieu nous éclaire, à chacun de nos pas,
Sur ce qu'il est et sur ce que nous sommes ;
Une loi sort des choses d'ici-bas,
Et des hommes.

Cette loi sainte, il faut s'y conformer,
Et la voici, toute âme y peut atteindre :
Ne rien haïr, mon enfant ; tout aimer,
Ou tout plaindre !"
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Et j'ai pleuré, pleuré-hé !
Victor,
Comme c'est beau !
C'est la première fois que je suis vraiment sensible à la poésie ; c'est la première fois qu'un texte me fait pleurer !
Sur les cent poésies des Contemplations, outre les prémisses de Cosette dans " Melancholia", et peut-être un peu Jean Valjean dans "Le maître d'études", la majorité des lignes se rapporte à sa fille Léopoldine, le véritable amour de sa vie, noyée dans la Seine le 4 septembre 1843 à 19 ans.
Quid de ses autres enfants, d'Adèle Foucher, la mère, alors que plusieurs poèmes se rapportent à une mère mourant devant ses enfants, .. et même un seul poème évoque Juliette Drouet, sa maîtresse.
.
C'est beau, c'est émouvant, c'est romantique, les âmes des corps abandonnés aux flots se parlent, sous l'eau, puis se transforment en étoiles célestes.
Déjà, Victor, dont la complicité fut grande avec elle, a mis cinq ans à abandonner Léopoldine à Charles. Alors, après 1843, il a mis trois ans à revenir sur le lieu du drame ( j'ai habité la belle ville de Caudebec, à côté de Villequier ), ensuite, jusqu'en 1854, et peut-être plus tard, il se pose des questions sur la mort de sa fille, et, comme Jésus sur la croix, "Père, pourquoi m'as-tu abandonné ?", il pose à Dieu plusieurs fois la question :
.
Pour la faire mourir, pourquoi l'avoir fait naître ?
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Si Baudelaire peut être comparé à une panthère ou un chat, Hugo évoque pour moi un taureau. Son style est de la plus certaine vitalité, gonflé par une verve qui l'emporte dans d'immenses élans d'enthousiasme. Il y entraîne volontiers le lecteur. En le lisant, ma poitrine se dilate, il me transmet cette énergie, des aspirations à la conquête, il enchante tout un univers par son lyrisme vigoureux.

Alors que Baudelaire calibre ses vers et ses tournures avec la patience et l'application d'un joaillier, Hugo fonce vaillamment, presque témérairement, la plume en avant comme un étendard, bouscule tout sur son passage et répand à profusion un discours turgescent. Hugo est pareil à un prophète. Ses poèmes semblent résonner dans les grandes vallées bibliques. Son discours est comme mû par la sagacité solennelle d'un porteur de flambeau éclairant l'humanité. Son regard flamboie, son front se crispe, sa voix tonne ; des millions d'ardeurs bouillonnent dans son sein.

Dans beaucoup de ses poèmes, il semble haranguer des troupes pour les mener au combat. Il s'adresse aux éléments, à Dieu, aux animaux. C'est comme si l'univers n'était pas assez vaste pour une telle débauche d'énergie. Il veut le dilater plus encore. Il veut tout consigner, qu'aucune pensée n'échappe à sa plume.

Et cependant les mêmes rimes reviennent souvent et on peut se dire qu'il tourne quelque peu en rond. Ce qui l'anime, c'est avant tout le souffle. Il faut qu'il reste en mouvement. Alors il s'évertue, s'échine pour ne pas se laisser abattre. Car les éléments sont contre lui. le sort lui a enlevé sa fille adorée. Il a quitté son pays. À Guernesey, il a dû beaucoup tourner en rond à regarder les voiles des navires et les étoiles au point de les associer presque immanquablement en rimes, mais il le faisait déjà dans le recueil Les voix intérieures.

Obsédé et possédé par le contraste entre lumières et ténèbres, il voyait des monstres, il voyait des morts, il voyait des choses abominables, il voyait des choses grandioses, et cela dans une démesure toute baroque.

Les contemplations est un recueil distendu, plein de répétitions, enflé d'élans puissants, sonores et cependant assez creux. Il est comme une succession ininterrompue de vagues déferlant sur la grève. C'est son plus célèbre recueil de poésie : une tentative de conjuration du désespoir et un assagissement de l'âme tourmentée. C'est un monument en grande part élevé à la mémoire de Léopoldine et c'est pour cela qu'il m'évoque un mausolée littéraire.
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Ah ! Lire ou relire Les Contemplations du maître Hugo !
Qu'on s'y plonge d'une traite de la première à la dernière page, ou qu'on picore ici ou là un poème, le plaisir est immense.
Les mots d'Hugo, les vers d'Hugo, chantent l'amour, la femme, les enfants, la famille, la nature... Ils pleurent l'exil, l'injustice, la misère, et la mort bien sûr, celle de sa fille notamment...
J'ai été particulièrement touché par le Livre quatrième, Pauca meae (Un peu à la mienne), consacré à sa fille Léopoldine décédée avec son époux en 1843, avec le célébrissime :
"Demain dès l'aube, à l'heure ou blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends."

Mais aussi :
"Je vis cette faucheuse. Elle était dans son champ.
Elle allait à grand pas moissonnant et fauchant,
Noir squelette laissant passer le crépuscule."
(Mors)

Victor Hugo manie les vers à merveille. Il les enfile comme des perles, dans le respect des règles de la versification française, mais en gardant sa liberté : ne cherchons pas de sonnets, d'odes ou de rondeaux ; les vers s'enchainent selon l'inspiration du maître, en poèmes courts ou longs, selon le message qu'il veut faire passer.

Une merveille à lire ou relire !
Lien : http://michelgiraud.fr/2021/..
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Fin 90, études de Lettres Modernes, dans le métro. le tunnel défile, débouche sur des quais vitrés, repart. Agrippée à la barre au milieu des sueurs et dans le brouhaha toulousain, mes yeux plongés dans les pages brunes des Contemplations, mon âme sur une plage décharnée au bord d'un océan aux vagues profondes et grondantes, un ciel illimité où un pâle rayon lancinant se glisse entre deux épaisses couches de nuages et étend sur la terre une lumière incandescente.
Soudain Hugo, ce petit bonhomme délirant se dresse hors des pages, et avec une telle foi en son rôle de prophète, déclame:
Dormez! Dormez, brins d'herbe, et dormez, infinis!
Calmez-vous, forêts, chêne, érable, frêne, yeuse!
Silence sur la grande horreur religieuse,
Sur l'océan qui lutte et qui ronge son mors,
Et sur l'apaisement insondable des morts!
Paix à l'obscurité, muette et redoutée!"
Hugo le prophète, Hugo le chef d'orchestre des rames de métro, que je hissais hors du bouquin et que cette foule du vingtième siècle n'intimidait pas!
O générations aux brumeuses haleines,
Reposez-vous!

Vous avez bien compris, ce recueil de poèmes à la démesure de Victor Hugo, qui ne retient qu'à peine en ses pages les tempêtes, les gouffres, les paroles de la Bouche d'Ombre et les élans passionnés du poète a bien failli m'emporter cette année-là!
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Citations et extraits (487) Voir plus Ajouter une citation
Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends.
J'irai par la forêt, j'irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.

Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour sera pour moi comme la nuit.

Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,
Et, quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.
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Trois ans après

Il est temps que je me repose ;
Je suis terrassé par le sort.
Ne me parlez pas d'autre chose
Que des ténèbres où l'on dort !

Que veut-on que je recommence ?
Je ne demande désormais
A la création immense
Qu'un peu de silence et de paix !

Pourquoi m'appelez-vous encore ?
J'ai fait ma tâche et mon devoir.
Qui travaillait avant l'aurore,
Peut s'en aller avant le soir.

A vingt ans, deuil et solitude !
Mes yeux, baissés vers le gazon,
Perdirent la douce habitude
De voir ma mère à la maison.

Elle nous quitta pour la tombe ;
Et vous savez bien qu'aujourd'hui
Je cherche, en cette nuit qui tombe,
Un autre ange qui s'est enfui !

Vous savez que je désespère,
Que ma force en vain se défend,
Et que je souffre comme père,
Moi qui souffris tant comme enfant !

Mon oeuvre n'est pas terminée,
Dites-vous. Comme Adam banni,
Je regarde ma destinée,
Et je vois bien que j'ai fini.

L'humble enfant que Dieu m'a ravie
Rien qu'en m'aimant savait m'aider ;
C'était le bonheur de ma vie
De voir ses yeux me regarder.

Si ce Dieu n'a pas voulu clore
L'oeuvre qu'il me fit commencer,
S'il veut que je travaille encore,
Il n'avait qu'à me la laisser !

Il n'avait qu'à me laisser vivre
Avec ma fille à mes côtés,
Dans cette extase où je m'enivre
De mystérieuses clartés !

Ces clartés, jour d'une autre sphère,
Ô Dieu jaloux, tu nous les vends !
Pourquoi m'as-tu pris la lumière
Que j'avais parmi les vivants ?

As-tu donc pensé, fatal maître,
Qu'à force de te contempler,
Je ne voyais plus ce doux être,
Et qu'il pouvait bien s'en aller ?

T'es-tu dit que l'homme, vaine ombre,
Hélas! perd son humanité
A trop voir cette splendeur sombre
Qu'on appelle la vérité ?

Qu'on peut le frapper sans qu'il souffre,
Que son coeur est mort dans l'ennui,
Et qu'à force de voir le gouffre,
Il n'a plus qu'un abîme en lui ?

Qu'il va, stoïque, où tu l'envoies,
Et que désormais, endurci,
N'ayant plus ici-bas de joies,
Il n'a plus de douleurs aussi ?

As-tu pensé qu'une âme tendre
S'ouvre à toi pour se mieux fermer,
Et que ceux qui veulent comprendre
Finissent par ne plus aimer ?

Ô Dieu ! vraiment, as-tu pu croire
Que je préférais, sous les cieux,
L'effrayant rayon de ta gloire
Aux douces lueurs de ses yeux ?

Si j'avais su tes lois moroses,
Et qu'au même esprit enchanté
Tu ne donnes point ces deux choses,
Le bonheur et la vérité,

Plutôt que de lever tes voiles,
Et de chercher, coeur triste et pur,
A te voir au fond des étoiles,
Ô Dieu sombre d'un monde obscur,

J'eusse aimé mieux, loin de ta face,
Suivre, heureux, un étroit chemin,
Et n'être qu'un homme qui passe
Tenant son enfant par la main !

Maintenant, je veux qu'on me laisse !
J'ai fini ! le sort est vainqueur.
Que vient-on rallumer sans cesse
Dans l'ombre qui m'emplit le coeur ?

Vous qui me parlez, vous me dites
Qu'il faut, rappelant ma raison,
Guider les foules décrépites
Vers les lueurs de l'horizon ;

Qu'à l'heure où les peuples se lèvent
Tout penseur suit un but profond ;
Qu'il se doit à tous ceux qui rêvent,
Qu'il se doit à tous ceux qui vont !

Qu'une âme, qu'un feu pur anime,
Doit hâter, avec sa clarté,
L'épanouissement sublime
De la future humanité ;

Qu'il faut prendre part, coeurs fidèles,
Sans redouter les océans,
Aux fêtes des choses nouvelles,
Aux combats des esprits géants !

Vous voyez des pleurs sur ma joue,
Et vous m'abordez mécontents,
Comme par le bras on secoue
Un homme qui dort trop longtemps.

Mais songez à ce que vous faites !
Hélas! cet ange au front si beau,
Quand vous m'appelez à vos fêtes,
Peut-être a froid dans son tombeau.

Peut-être, livide et pâlie,
Dit-elle dans son lit étroit :
«Est-ce que mon père m'oublie
Et n'est plus là, que j'ai si froid ?»

Quoi! lorsqu'à peine je résiste
Aux choses dont je me souviens,
Quand je suis brisé, las et triste,
Quand je l'entends qui me dit : «Viens !»

Quoi! vous voulez que je souhaite,
Moi, plié par un coup soudain,
La rumeur qui suit le poëte,
Le bruit que fait le paladin!

Vous voulez que j'aspire encore
Aux triomphes doux et dorés !
Que j'annonce aux dormeurs l'aurore !
Que je crie : «Allez ! espérez !»

Vous voulez que, dans la mêlée,
Je rentre ardent parmi les forts,
Les yeux à la voûte étoilée...
-- Oh ! l'herbe épaisse où sont les morts !
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Premier mai

Tout conjugue le verbe aimer. Voici les roses.
Je ne suis pas en train de parler d’autres choses.
Premier mai ! l’amour gai, triste, brûlant, jaloux,
Fait soupirer les bois, les nids, les fleurs, les loups ;
L’arbre où j’ai, l’autre automne, écrit une devise,
La redit pour son compte et croit qu’il l’improvise ;
Les vieux antres pensifs, dont rit le geai moqueur,
Clignent leurs gros sourcils et font la bouche en coeur ;
L’atmosphère, embaumée et tendre, semble pleine
Des déclarations qu’au Printemps fait la plaine,
Et que l’herbe amoureuse adresse au ciel charmant.
A chaque pas du jour dans le bleu firmament,
La campagne éperdue, et toujours plus éprise,
Prodigue les senteurs, et dans la tiède brise
Envoie au renouveau ses baisers odorants ;
Tous ses bouquets, azurs, carmins, pourpres, safrans,
Dont l’haleine s’envole en murmurant : Je t’aime !
Sur le ravin, l’étang, le pré, le sillon même,
Font des taches partout de toutes les couleurs ;
Et, donnant les parfums, elle a gardé les fleurs ;
Comme si ses soupirs et ses tendres missives
Au mois de mai, qui rit dans les branches lascives,
Et tous les billets doux de son amour bavard,
Avaient laissé leur trace aux pages du buvard !
Les oiseaux dans les bois, molles voix étouffées,
Chantent des triolets et des rondeaux aux fées ;
Tout semble confier à l’ombre un doux secret ;
Tout aime, et tout l’avoue à voix basse ; on dirait
Qu’au nord, au sud brûlant, au couchant, à l’aurore,
La haie en fleur, le lierre et la source sonore,
Les monts, les champs, les lacs et les chênes mouvants,
Répètent un quatrain fait par les quatre vents.
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Je respire où tu palpites,(in "Les contemplations)


Je respire où tu palpites,
Tu sais ; à quoi bon, hélas !
Rester là si tu me quittes,
Et vivre si tu t'en vas ?

A quoi bon vivre, étant l'ombre
De cet ange qui s'enfuit ?
A quoi bon, sous le ciel sombre,
N'être plus que de la nuit ?

Je suis la fleur des murailles
Dont avril est le seul bien.
Il suffit que tu t'en ailles
Pour qu'il ne reste plus rien.

Tu m'entoures d'Auréoles;
Te voir est mon seul souci.
Il suffit que tu t'envoles
Pour que je m'envole aussi.

Si tu pars, mon front se penche ;
Mon âme au ciel, son berceau,
Fuira, dans ta main blanche
Tu tiens ce sauvage oiseau.

Que veux-tu que je devienne
Si je n'entends plus ton pas ?
Est-ce ta vie ou la mienne
Qui s'en va ? Je ne sais pas.

Quand mon orage succombe,
J'en reprends dans ton coeur pur ;
Je suis comme la colombe
Qui vient boire au lac d'azur.

L'amour fait comprendre à l'âme
L'univers, salubre et béni ;
Et cette petite flamme
Seule éclaire l'infini

Sans toi, toute la nature
N'est plus qu'un cachot fermé,
Où je vais à l'aventure,
Pâle et n'étant plus aimé.

Sans toi, tout s'effeuille et tombe ;
L'ombre emplit mon noir sourcil ;
Une fête est une tombe,
La patrie est un exil.

Je t'implore et réclame ;
Ne fuis pas loin de mes maux,
O fauvette de mon âme
Qui chantes dans mes rameaux !

De quoi puis-je avoir envie,
De quoi puis-je avoir effroi,
Que ferai-je de la vie
Si tu n'es plus près de moi ?

Tu portes dans la lumière,
Tu portes dans les buissons,
Sur une aile ma prière,
Et sur l'autre mes chansons.

Que dirai-je aux champs que voile
L'inconsolable douleur ?
Que ferai-je de l'étoile ?
Que ferai-je de la fleur ?

Que dirai-je au bois morose
Qu'illuminait ta douceur ?
Que répondrai-je à la rose
Disant : " Où donc est ma soeur ?"

J'en mourrai ; fuis, si tu l'oses.
A quoi bon, jours révolus !
Regarder toutes ces choses
Qu'elle ne regarde plus ?

Que ferai-je de la lyre,
De la vertu, du destin ?
Hélas ! et, sans ton sourire,
Que ferai-je du matin ?

Que ferai-je, seul, farouche,
Sans toi, du jour et des cieux,
De mes baisers sans ta bouche,
Et de mes pleurs sans tes yeux !
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Les oiseaux

Je rêvais dans un grand cimetière désert ;
De mon âme et des morts j’écoutais le concert,
Parmi les fleurs de l’herbe et les croix de la tombe.
Dieu veut que ce qui naît sorte de ce qui tombe.
Et l’ombre m’emplissait.

Autour de moi, nombreux,
Gais, sans avoir souci de mon front ténébreux,
Dans ce champ, lit fatal de la sieste dernière,
Des moineaux francs faisaient l’école buissonnière.
C’était l’éternité que taquine l’instant.
Ils allaient et venaient, chantant, volant, sautant,
Égratignant la mort de leurs griffes pointues,
Lissant leur bec au nez lugubre des statues,
Becquetant les tombeaux, ces grains mystérieux.
Je pris ces tapageurs ailés au sérieux ;
Je criai: — Paix aux morts ! vous êtes des harpies.
— Nous sommes des moineaux, me dirent ces impies.
— Silence ! allez-vous en ! repris-je, peu clément.
Ils s’enfuirent ; j’étais le plus fort. Seulement,
Un d’eux resta derrière, et, pour toute musique,
Dressa la queue, et dit : — Quel est ce vieux classique ?

Solovki, Mer blanche, Russie, 1992. (c) Pentti Sammallahti

Comme ils s’en allaient tous, furieux, maugréant,
Criant, et regardant de travers le géant,
Un houx noir qui songeait près d’une tombe, un sage,
M’arrêta brusquement par la manche au passage,
Et me dit : — Ces oiseaux sont dans leur fonction.
Laisse-les. Nous avons besoin de ce rayon.
Dieu les envoie. Ils font vivre le cimetière.
Homme, ils sont la gaîté de la nature entière ;
Ils prennent son murmure au ruisseau, sa clarté
A l’astre, son sourire au matin enchanté ;
Partout où rit un sage, ils lui prennent sa joie,
Et nous l’apportent ; l’ombre en les voyant flamboie ;
Ils emplissent leurs becs des cris des écoliers ;
A travers l’homme et l’herbe, et l’onde, et les halliers,
Ils vont pillant la joie en l’univers immense.
Ils ont cette raison qui te semble démence.
Ils ont pitié de nous qui loin d’eux languissons ;
Et, lorsqu’ils sont bien pleins de jeux et de chansons ;
D’églogues, de baisers, de tous les commérages
Que les nids en avril font sous les verts ombrages,
Ils accourent, joyeux, charmants, légers, bruyants,
Nous jeter tout cela dans nos trous effrayants;
Et viennent, des palais, des bois, de la chaumière,
Vider dans notre nuit toute cette lumière!
Quand mai nous les ramène, ô songeur, nous disons :
-Les voilà!- tout s’émeut, pierres, tertres, gazons ;
Le moindre arbrisseau parle, et l’herbe est en extase ;
Le saule pleureur chante en achevant sa phrase ;
Ils confessent les ifs, devenus babillards ;
Ils jasent de la vie avec les corbillards ;
Des linceuls trop pompeux ils décrochent l’agrafe ;
Ils se moquent du marbre; ils savent l’orthographe ;
Et, moi qui suis ici le vieux chardon boudeur,
Devant qui le mensonge étale sa laideur,
Et ne se gène pas, me traitant comme un hôte,
Je trouve juste, ami, qu’en lisant à voix haute
L’épitaphe où le mort est toujours bon et beau,
Ils fassent éclater de rire le tombeau.
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Robert Badinter été particulièrement marqué chez Victor Hugo par ce qui fut le premier, le plus long et le plus constant de tous les combats de l'écrivain – celui qu'il mena contre la peine de mort. Ce combat d'Hugo contre la peine de mort est d'abord mené au moyen de son oeuvre littéraire. Dans deux romans, "Le Dernier jour d'un condamné" (1829) et "Claude Gueux" (1834), il dépeint la cruauté des exécutions capitales auxquelles il a assisté dans son enfance. Dès l'enfance, il est fortement impressionné par la vision d'un condamné conduit à l'échafaud puis par les préparatifs du bourreau dressant la guillotine en place de Grève.
Hanté par ces « meurtres judiciaires », il va tenter toute sa vie d'infléchir l'opinion en décrivant l'horreur de l'exécution, sa barbarie, en démontrant l'injustice et l'inefficacité du châtiment. Utilisant son génie d'écrivain et son statut d'homme politique, il met son talent au service de cette cause, à travers romans, poèmes, plaidoiries devant les tribunaux, discours et votes à la Chambre des pairs, à l'Assemblée puis au Sénat, articles dans la presse européenne et lettres d'intervention en faveur de condamnés en France comme à l'étranger.
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