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Critique de Lamifranz


Paru en 1829, ce recueil rassemble des poèmes qui ont été écrit pour certains quatre ou cinq ans auparavant. L'inspiration générale est « orientale », et l'actualité pro-hellénique (la guerre des grecs contre les Turcs (1821-1829) est en passe de se terminer à l'avantage des premiers) ne doit pas prêter à confusion. Dans sa préface, Victor Hugo prend les devants : « Si donc aujourd'hui quelqu'un lui demande (à l'auteur de ces lignes) à quoi bon ces Orientales ? … il répondra qu'il n'en sait rien, que c'est une idée qui lui a pris ; et qui lui a pris d'une façon assez ridicule, l'été passé, en allant voir coucher le soleil ». Un examen attentif montre en effet que s'il y a effectivement des poèmes « pro-grecs », d'autres sont plus nuancés, et s'attachent à montrer un Orient mythique, plus près des Mille et une nuits que de l'actualité. En fait, ce que revendique l'auteur, c'est une oeuvre de pure poésie où il peut montrer toute l'étendue de son savoir-faire. Cela dit, et quoi qu'il en dise lui-même, il « surfe » sur l'actualité, et la date de sortie du volume en librairie n'est pas neutre : le recueil parait le 19 janvier 1829, au moment même où le corps expéditionnaire français est de retour, après avoir chassé Ibrahim Pacha, le gouverneur turc de la région. La liberté toute neuve des Grecs (qui sera concrétisée un an après (février 1830) par la déclaration d'indépendance, n'est donc pas étrangère à ce recueil qui se signale par son exotisme, bien entendu, mais aussi par sa diversité poétique, parfois fantaisiste, parfois pathétique et émouvante, souvent sensuelle, et servie par une virtuosité qu'on devinait dans les Odes et ballades, et qui ici se débride complètement.
Des 41 poèmes qui composent ce recueil, plusieurs figurent dans le florilège de Victor Hugo :
« Chanson de pirates » (mis en musique par Claude Nougaro) :
Nous emmenions en esclavage
Cent chrétiens, pêcheurs de corail ;
Nous recrutions pour le sérail
Dans tous les moûtiers du rivage…

Ou encore :
« Clair de lune »
La lune était sereine et jouait sur les flots. –
La fenêtre enfin libre est ouverte à la brise,
La sultane regarde, et la mer qui se brise,
Là-bas, d'un flot d'argent brode les noirs îlots.

Ou encore :

« L'enfant »
Les Turcs ont passé là. Tout est ruine et deuil.
Chio, l'île des vins, n'est plus qu'un sombre écueil,
Chio, qu'ombrageaient les charmilles,
Chio, qui dans les flots reflétait ses grands bois,
Ses côteaux, ses palais, et le soir quelquefois,
Un coeur dansant de jeunes filles…

Ou encore ce prodige d'inventivité poétique :

« Les Djinns »

Murs, ville,
Et port,
Asile
De mort,
Mer grise
Où brise
La brise,
Tout dort…

Les amateurs d'histoire littéraire reconnaîtront dans l'épigraphe du poème « Cri de guerre du mufti » l'appel à la révolution romantique de la « bataille d'Hernani » : « Hierro, despierta te ! Fer, réveille-toi ! (Cri de guerre des Almogavares) ».

Un magnifique recueil, que l'on peut lire en jetant un oeil de temps en temps sur les tableaux de Delacroix : « Scènes des massacres de Scio » (1824) ou « La Grèce sur les ruines de Missolonghi » (1826)






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