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Critique de Cricri124


Ecrite en 1884, cette courte pièce théâtre en cinq actes pourrait se dérouler n'importe où et n'importe quand…

J'ai été bluffée par la richesse et la profondeur de sa simplicité … apparente. Apparente, car elle peut s'interpréter de bien des façons. Si j'osais, je la rapprocherais de certaines peintures de Magritte.

Au début de ma lecture, j'ai d'abord pensé qu'il s'agissait d'une critique sociale sur les compromissions de la bourgeoisie à travers les relations de deux familles autrefois associées et dont l'une est tombée dans la misère. Et sans doute, c'en est une. Mais le Canard sauvage est, selon moi, avant tout une allégorie du pouvoir de l'illusion, du « mensonge vital », ce besoin viscéral de l'homme de façonner la réalité pour la rendre supportable ou, en d'autres termes, de l'immanence d'un idéal en lutte perpétuel avec la réalité de la vie et ses petits (ou grands) compromis.

« Si vous privez un homme simple de son mensonge vital, vous lui enlevez en même temps son bonheur ».

Toute vérité est-elle bonne à dire ? Que se passerait-il si un grain de sable venait perturber le fragile équilibre entre idéal et réalité ?

D'une certaine façon, Henrik Ibsen fait du mensonge une vérité.

La tragédie qui se met en place est assez prévisible mais la manière dont l'auteur l'aborde fait froid dans le dos. de manière anodine, il met en évidence la cruauté ordinaire qui s'instaure au nom d'un idéal, celle dont les protagonistes n'ont pas même conscience tant ils sont empêtrés (ou formatés) dans leurs convictions alors même que chacun d'entre eux, à sa manière et en toute candeur, si je puis dire, s'illusionnent, transigent avec la réalité. Même le docteur Relling, au cynisme mordant et fervent opposant aux idéaux, participe à l'illusion. Même Grégoire, dans sa quête absolue d'un idéal qui refuse de transiger avec la vérité. Et que dire d'Hialmar, de sa femme Gina, du vieil Ekdal, de Werlé père ? C'est un jeu d'ombres et de lumières complexe. Enfin, surtout un jeu d'ombres. Parfois à la limite de la caricature. J'ai souvent dû avoir la mâchoire inférieure qui tombe à terre pendant ma lecture !

En bref, j'ai adoré cette pièce au rythme alerte, truffée de dualités, de nuances, de symboles. C'est une approche très pessimiste et désabusée de l'idéal, une vision parfois presque corrompue, aux multiples excavations. Elle aborde également le poids de l'héritage du passé dans le présent, la cohabitation délicate entre l'imaginaire et le réalisme. Eh bien, il ne me reste plus qu'à regarder l'adaptation mise en scène par Stéphane Braunschweig que je viens de dénicher. Je suis curieuse de voir comment il l'a adaptée.
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