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Critique de foxinthesnow


Je me suis décidée à lire cette sociologue franco-israelienne grâce aux BD de Liv Strömquist qui la cite abondamment ! J'ai voulu aller à la source...
Directrice d'études à l'EHESS, elle est sociologue des sentiments et de la culture. J'aime que l'amour soit abordé dans un cadre sociologique, et pas seulement psychologique ou biologique (avec des explications naturalisant tout comportement d'une façon abusive). La thèse de ce livre : la souffrance affective a des caractéristiques propres à la modernité.

Auparavant la réussite d'un mariage ne tenait pas au lien affectif, mais cela a changé. À l'époque moderne, hédoniste et marquée par une culture de la consommation, les critères de choix du ou de la partenaire sont démultipliés. Ce choix rend paradoxalement les choses + compliquées. La recherche de ce•tte partenaire se calque sur l'économie de marché (accumulation d'attributs sociaux, psychologiques, sexuels...).
Alors que la liberté sexuelle semble possible pour toutes et tous, les inégalités de genre persistent, à cause du contexte patriarcal. Des femmes sont encore dépendantes du mariage pour leur survie économique (alors qu'il apporte + paradoxalement de bénéfices aux hommes...) ; et la phobie de l'engagement concerne surtout les hommes qui dominent le champ sexuel. L'autrice rappelle que les femmes doivent trouver des stratégies pour se protéger contre le viol, ont la procréation comme impératif social encore très marqué, que les critères comme la jeunesse sont plus contraignants pour elles, etc...
Majoritairement les hommes recherchent du sexe, et les femmes de l'affection, mais ça n'a rien de biologique : dans le patriarcat, les femmes restent subordonnées au mariage et à la procréation. Les sexualités des hommes et des femmes sont liées à leur pouvoir social.

Aujourd'hui l'amour est désenchanté, c'est le détachement et l'ironie qui le caractérisent (je lis en parallèle "Normal people", un roman qui l'illustrz super bien !) La rationalisation des liens intimes est renforcée par les moyens technologiques : gestion d'un flux de rencontres par le web, mesure et compétitivité, recherche de profils avec une liste d'attributs...

L'imagination a un rôle important dans cette analyse sociologique de l'amour: ce sont par des fictions (séries, livres, films etc.) que sont façonnées nos émotions, nos attentes, et que des scénarios sont construits. Les médias, les réseaux sociaux nous font rêver à une intensité émotionnelle qu'on ne trouve pas forcément au quotidien; la souffrance amoureuse découle alors de désillusions. J'ai beaucoup aimé cette réflexion sur le pouvoir de la fiction.

Elle clôture avec un appel à un retour de l'éthique dans les relations sexuelles et affectives, pour que liberté et éthique fonctionnent en tandem.

Le problème est dans la méthode. Pas d'étude, mais des sources diverses : quelques interviews de personnes occidentales hétéro de catégorie plutôt aisée (du coup les analyses reflètent ce biais), mais aussi romans d'amour et manuels de conseils et de développement personnel, articles sur le web... Eva Illouz développe une pensée critique brillante, mais la rigueur de la méthode me retient d'être à 100% transportée. Mais j'ai quand même adoré ma lecture.
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