Elle aussi avait survécu pendant deux mille ans, mais cela signifiait simplement qu’elle avait existé. A présent, en serrant Lore contre elle, elle comprenait qu’elle vivait enfin.
Nom de Dieu. Je n’arrive pas à croire que tu élèves un enfant. Il n’y a pas d’équivalent aux services sociaux, chez les démons ?
Hé. J’ai autant le droit que les autres de rater l’éducation de mon gosse !
De ses deux talents contraires - prendre et rendre la vie - seul le "bon" s'accompagnait de souffrance. Logique : vivre, ça fait mal.
On ne gagnait rien à reporter au lendemain, à part des ennuis de dernière minute.
— Je me casse.
— Tu as quelqu’un à tuer ? s’enquit Shade.
La question était un peu trop proche de la vérité, mais Lore décida néanmoins de titiller Shade.
— Ouais.
— Tu ne veux pas attendre que l’ange se réveille ? demanda Eidolon en croisant les bras. Ta victime ne va pas s’envoler, tu sais. Tu t’en occuperas plus tard. Peut-être qu’entre-temps elle sera frappée par la foudre, ou quelque chose dans ce goût-là. Ça t’évitera de travailler.
Ouais. Eidolon était un sacré comique.
Si on avait mis un contrat sur sa tête, il devait le savoir.
« — Qui t’envoie ?
— Dieu ! »
Ouais, c’est ça ! Combien de maîtres assassins insistaient pour qu’on les appelle Dieu ? Cette gonzesse pouvait bosser pour une bonne dizaine de connards.
- Je ressens exactement la même chose. (Elle fit courir la main jusqu'à la taille de son amant, puis plus bas, lui arrachant un gémissement de plaisir.) Pour nous deux, la fin n'est que le commencement.
- Je t'aime. Ne l'oublie jamais. Ne m'oublie jamais.
Il l'aimait. Une boule d'émotion lui noua la gorge, lui coupa le souffle.
- Jamais ! promit-elle d'une voix rauque.
- Pourquoi est-ce que tu veux regarder ?
- Parce que, avoua-t-elle d'une voix rauque, toi aussi, tu es magnifique.
Pourtant, il caressa les cheveux de l'ange en s'efforçant de rester immobile, parce que, aussi bizarre que cela puisse paraître, c'était la chose la lus stupéfiante qui lui soit jamais arrivée.