AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de ODP31


Faites sortir l'accusé !
Quand Philippe Jaenada s'attaque à un fait divers, vous savez que vous allez y passer aussi le printemps et l'été.
750 pages avec une police microscopique. Excédent de bagages pour le génie de la digression !
Pour lire ce monstre dans un avion, au choix, il faut soit réserver un second siège, soit sacrifier la valise réservée aux quinze paires de chaussures de madame, soit abandonner un gamin dans le hall de l'aéroport et balancer le second dans la soute de l'appareil (on a pris la troisième option, bien entendu). Il faut surtout choisir une destination lointaine, genre Pluton, pour boucler, non pas la ceinture mais cette lecture maniaque.
En 1964, le corps du petit Luc Taron, onze ans est retrouvé dans une forêt. Des courriers, signés « L'Etrangleur », revendiquent à de multiples reprises cet assassinat et attisent la curiosité de l'opinion publique. L'auteur des lettres est identifié, arrêté et jugé. Emballé, c'est pesé. Pas vraiment.
Lucien Leger va passer 41 ans en prison pour ce crime qu'il n'a peut-être pas commis. Hondelatte en bave. L'auteur va reprendre tout le dossier, se rendre sur les lieux du crime, disséquer la vie de tous les protagonistes de l'affaire et s'appuyer sur une enquête référence de deux journalistes qui date de 2012 et qui a remis en cause la culpabilité du plus ancien détenu de France.
L'analyse est aussi minutieuse que brillante mais j'ai eu l'impression que Philippe Jaenada s'est mis une telle pression pour être à la hauteur de l'enquête réalisée par Stéphane Troplain et Jean-Louis Ivani qu'il inonde le lecteur d'un tsunami de détails au détriment de sa prose. le Leger devient parfois un peu lourd. Il ne manque que la pointure de la coiffeuse du juge et le plat préféré du cousin au deuxième degré de la victime. L'arbre généalogique de tous les témoins remonte presque aux Carolingiens. J'exagère, oui, mais pas autant que Philippe Jaenada. Si le diable se cache dans les détails, l'enfer, c'est ici.
J'ai lu(tté) un mois durant sans abandonner cette lecture car j'adore les parenthèses enchantées de l'auteur, ces moments où il glisse sa petite histoire personnelle, ses tracas de santé, ses souvenirs d'enfance et ses commentaires ironiques. La marque Jaenada. Label rouge vif. Des respirations inspirées pour fuir l'expiration.
Je n'ai pu que me passionner aussi pour cette histoire que l'on pourrait réduire à un bal des menteurs. Tous les personnages sont troubles et trainent des casseroles taillées comme des marmites. Il n'y en a pas un pour rattraper l'autre... Ils préfèrent se laisser tomber. Côté victime, le vernis de la famille modèle craque dès les premières investigations, l'accusé ment pour entretenir sa popularité morbide, sa compagne collectionne les internements, des comploteurs complotent dans la compote, des résistants de la dernière minute collaborent, avocats et juges ne se compliquent pas trop la vie. le roman décrit aussi très bien le poids de l'opinion et des médias… et il se déroule en 1964. Tout le monde joue plus son personnage qu'il ne le vit.
Ce roman, c'est une rentrée littéraire à lui tout seul, la Comédie Humaine en un seul tome, un bottin qui n'a rien de mondain, que son éditeur aurait dû un peu plus épurer.
Les trois derniers romans de Philippe Jaenada suffisent à remplir une bibliothèque.
Une lecture qui relève de la performance.

Commenter  J’apprécie          12218



Ont apprécié cette critique (110)voir plus




{* *}