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Critique de Colchik


Amateurs de frissons et de tueurs en série, passez votre chemin, cette chère P.D. James préfère ausculter la noirceur des âmes plutôt que la mécanique des actes criminels et leur cortège de violences.
Comme à son habitude, l'auteur cisèle le caractère de ses personnages avant de lancer à leurs trousses la mort et sa boîte de Pandore d'où s'échappent les instincts les plus bas. Le livre s'ouvre sur Rhoda Gradwyn, une journaliste d'investigation redoutable, méthodique et froide, qui a bâti sa réussite professionnelle en dévoilant au grand jour les petits et grands secrets de personnalités mêlées à l'actualité politique, économique ou littéraire. Il ne s'agit pas de potins mondains ou de presse à scandale, mais d'enquêtes parfaitement menées et inattaquables quant à leur fond. Mais, les activités journalistiques de Miss Gradwyn, si lucratives, ont leur revers. Elles lui ont créé bien des ennemis et la méfiance qu'elle inspire tient éloignés d'elle les importuns comme les véritables amis. Parmi les rares personnes qu'elle fréquente de temps à autre, il y a Robin Boyton, un jeune comédien raté et sans le sou qui lui voue une admiration quelque peu intéressée.
Mais à la quarantaine, le succès et l'argent ne suffisent plus à Rhoda Gradwyn, le moment est venu de tourner une certaine page de sa vie. Comment abandonner la carapace qu'elle s'est construite depuis l'adolescence, tout d'abord pour affronter un père violent et alcoolique, puis la compétition scolaire et, enfin, le milieu professionnel du journalisme ? Sans doute en commençant sa lente métamorphose par une opération de chirurgie esthétique qui lui ôterait la profonde cicatrice qui marque l'une de ses joues. Qui, mieux que quiconque, pourrait réussir cette transformation sinon le chirurgien Chandler-Powell ? Ce dernier possède, dans un manoir du Dorset, une clinique privée où il opère ses patientes soucieuses de confidentialité : Cheverell Manor. L'adresse a été recommandée à Rhoda par Robin Boyton dont le cousin, Marcus Westhall, est l'anesthésiste du docteur Chandler-Powell. De temps à autre, Robin séjourne dans l'un des cottages de Cheverell Manor, auprès de ses cousins, Marcus et Candace Westhall, et il connaît bien les lieux.
L'intervention sur Rhoda Gradwyn se déroule à merveille, mais le lendemain matin, l'infirmière, Miss Holland, et la cuisinière, Kimberley Bostock, découvrent la cadavre de la journaliste qui a été étranglée au cours de la nuit. L'unité du commandant Dalgliesh est expédiée sur place à la demande d'une riche patiente dont le mari est un éminent homme politique.
P.D. James ne déroge pas à ses règles habituelles. La peinture sociale est féroce, le ton sec et l'atmosphère très sombre. L'Angleterre est toujours corsetée dans les convenances d'un autre âge, les distances entre les classes sont toujours aussi grandes et les signes d'appartenance aux groupes sociaux d'efficaces marqueurs culturels qui laissent chacun à sa place. le décor a beau être majestueux, le luxe souvent présent, la plupart des personnages sont isolés dans leur égoïsme, prisonniers de leur image ou de leur orgueil. P.D. James les décrit comme des animaux à sang froid qui concluent des alliances passagères ou durables dans le seul souci de ménager leur confort et leur rang à long terme. Jamais le pessimisme de l'auteur sur la nature humaine ou l'incommunicabilité des êtres ne m'a autant frappée. Sur cette toile de fond, la mort et son décorum macabre prennent un relief encore plus saisissant. le meurtre de Robin Boyton et le suicide de Candace Westhall mêlent horreur et désespoir, en nous laissant entrevoir la cupidité de l'un et l'esprit manipulateur de l'autre, l'auteur nous prive en partie de la compassion que nous pourrions avoir pour ces morts.
Les quelques notes volontairement encourageantes de la fin du roman sonnent presque comme des concessions à la noirceur du roman.
Je crois qu'un personnage du livre pourrait approcher, peut-être, de la véritable personnalité de P.D. James, ou lui inspirer une réelle empathie. Il s'agit de Letitia Frensham, la comptable, qui au lieu de choisir une retraite confortable et douillette à Cheverell Manor, choisit la liberté et l'indépendance. Elle est le seul personnage dont les sentiments ne sont jamais assujettis à l'idée que peuvent s'en faire les autres.
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