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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Il y a des livres dont on entend beaucoup grâce aux médias, soit c'est parce que son auteur a d'importants relais médiatiques (quand Michel Drucker sort une biographie, on se doute que ce n'est pas forcément son style littéraire qui est vanté), soit c'est parce l'auteur dévoile quelque chose qui fera le buzz au moins un temps. Ici nous sommes davantage sur le deuxième aspect : avec Les Intouchables d'État, Vincent Jauvert, déjà auteur de la Face cachée du Quai d'Orsay, récidive sur les dessous pas très nets des arcanes de la République Française.

Journaliste à L'Obs depuis 1995, Vincent Jauvert n'en est pas à son coup d'essai concernant les arcanes politiques. Il a déjà révélé (au véritable sens d' « enquêté puis dévoilé des éléments inconnus du public ») plusieurs affaires d'espionnage concernant notamment les services américains, russes et français. Il fait aussi partie de ces journalistes politiques qui ont leurs entrées auprès de certains administrateurs de l'État, auprès d'hommes et femmes politiques très bien placés. Bref, il est de ces journalistes qui peuvent sortir de temps à autre des rapports ou des dossiers brûlants voire « top secret » afin de vraiment informer le citoyen lambda. Entre été 2016 et automne 2017, Vincent Jauvert semble avoir épluché quantité de rapports et s'être entretenu avec de nombreux hauts fonctionnaires ou personnalités politiques haut placées, afin d'étudier un groupe social particulier : les énarques. Oui, ces femmes et ces hommes qui sortent de la prestigieuse et diablement efficace ENA (École Nationale d'Administration), créée en 1945 pour fournir en nombre des administrateurs au sortir de la Deuxième Guerre mondiale. Il faut dire que le objectif premier est rempli : des hauts fonctionnaires venant de l'ENA, il y en a en masse, et surtout ils sont tellement polyvalents qu'ils semblent spécialistes de tous les sujets politiques.
Le procédé suivi par Vincent Jauvert est assez méthodique afin de démontrer chaque travers, chaque type d'abus avéré. Cela passe notamment par un fort aspect prosopographique. En effet, l'auteur passe en revue de nombreux énarques qui peuplent les grandes administrations de l'État mais qui pullulent aussi désormais dans les grandes entreprises privées cherchant à profiter de leur expérience acquise et financée par l'État. Dans cette perspective, le « petit » problème posé par les énarques est le cumul d'avantages indus, le fonctionnement d'entre-soi et les origines sociales très restreintes de ce groupe bien particulier. Ainsi, l'auteur liste nombre de conflits d'intérêts entre les activités privées de ces énarques et certaines missions qu'ils remplissent pour le service public. de même, il démontre à nouveau (car il y a besoin de le redire clairement) la construction de certaines carrières politiciennes adossées au service public et sans aucun risque pris par les concernés (et on ne parle pas là des indemnités liées à un mandat, comme c'est bien normal). On parle également de l'enrichissement privé de certains d'entre eux grâce à des sociétés de conseil ne faisant que doubler les missions de service public qui sont en fait le travail qui leur est demandé. On parcourt « La République des avocats d'affaires » où certains se permettent de rentabiliser leur réseau de relations obtenu au sein du service public pour en faire un carnet d'adresses les rémunérant à très haut niveau. Toutes ces accointances justifient largement les logiques de démantèlement de l'État et de privatisation actuelles.
Certes, le livre en lui-même est perfectible. La multiplication des citations prises sous le coup de l'anonymat sont sans doute vraies mais, plus que leur teneur lourde, montrent surtout qu'il y a des pressions certaines dans ce milieu si particulier. Il manquerait aussi par exemple une petite conclusion ou une ouverture sur l'actualité, car le lecteur ne peut qu'avoir envie d'en savoir davantage sur ce système d'entre-soi qui perdure en ce moment même. Toutefois, cet essai est franchement utile dans l'atmosphère politique de 2018 afin de ne pas dénoncer les abus dans le vide ou par pur démagogie : il y a du fond à soulever et il y a des améliorations à proposer !

Histoire de donner le ton de la mise en place de toutes nos politiques, il conviendrait de lire et relire certains passages de cet ouvrage pour bien comprendre la rapidité ou la lenteur de certaines « réformes ». Voilà une enquête très intéressante en tout cas.
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Que faisiez-vous le 4 août 1789 ? Vous et moi, rien mais nos ancêtres, la plupart j'imagine, se sont réjouis lorsque fut votée par l'Assemblée constituante l'abolition des privilèges féodaux. Deux cents ans plus tard, la Révolution et la République sont devenus les totems du pays, l'anecdotique prise de la Bastille est toujours la fête nationale et l'Egalité a pris le pas sur la Liberté et la Fraternité. La France (notez que ce nom a tendance à tomber un peu en désuétude au profit de la République) est sans doute le pays où on parle le plus d'égalité mais où on oublie curieusement de célébrer avec la pompe qu'on sait mettre en branle pour des dates moins marquantes, cette nuit du 4 août. Nos ancêtres auraient-ils été victimes d'une escroquerie, des privilèges se seraient-ils substitués aux vieux privilèges ? Ce livre en est une illustration des plus choquantes, les privilèges de caste sont toujours là, et bien là. Oui, la France est un pays de castes ou chacune cultive soigneusement ses privilèges ou, comme on dit en novlangue, ses avantages acquis. Avouons que certains y réussissent mieux que d'autres.
Ce petit ouvrage explore les us et abus de la nomenklatura parisienne, caste intouchable de hauts fonctionnaires issus majoritairement de l'ENA, qui, ayant passé un jour un examen de sortie, se voit dotée de toutes les vertus et de tous les privilèges, échappe à tous les aléas d'une carrière professionnelle et s'enrichit sans efforts ni mérites particuliers. Les cheminots, électriciens, enseignants ou journalistes peuvent aller se rhabiller : ils ne font pas le poids avec ces ténors.
Avec un goût certain pour la mythologie du quotidien et cette mâle assurance qui ne recule jamais devant le ridicule, ils aiment à se faire appeler « serviteurs de l'Etat » ou, mieux encore, « grands commis de l'Etat ». On connait la blague russe de la file d'attente de trois cents mètres sur la place rouge devant un magasin d'état aux rayons désespérément vides. Un touriste s'inquiète, « que se passe-t-il ? », « oh, rien, c'est le peuple souverain qui attend un arrivage de chaussures en carton » tandis qu'une dizaine de limousines Zil déversent leurs occupants dans le Goum où ils pénètrent aussitôt : « Et ça ? », « ça, ce sont quelques serviteurs du Peuple qui viennent compléter leurs achats de Noël. » Lorsque les serviteurs ne servent qu'eux-mêmes, les convives sont à la diète mais règlent quand-même l'addition.
Il y a dans cet ouvrage bien documenté matière à un formidable roman car on sent bien, de ci-de-là, qu'il ya des personnages qui mériteraient de passer à la postérité au chapitre de leurs appétits et de leurs connivences. Zola a déjà écrit La Curée. Son ombre doit intimider plus d'un écrivain, dommage, le sujet est toujours d'actualité.
Vous y retrouverez les exemples qui ont fait la une de l'actualité pendant quelques jours (les taxis d'Agnès Saal ou ceux de Mathieu Gallet). Clemenceau avait « les taxis de la Marne », Hollande aura eu « les taxis de Mme Saal », vertigineuse comparaison, n'est-ce pas ?
Vous y apprendrez comment se règlent (entre amis) ce genre de dysfonctionnement une fois que la sphère médiatique est passée à autre chose, vous y admirerez le nombre de fonctionnaires qui touchent un salaire supérieur à celui du Président de la république, vous comprendrez pourquoi il y a tellement, chez nous, de « hautes autorités », de« hauts conseils », de « conseils supérieurs » ou « d'offices centraux » sans parler des « agences de ». Vous saurez pourquoi et comment, depuis cinquante ans, on fait de la politique sans prendre aucun risque et comment on fait de l'argent en vendant aux entreprises privées des talents de lobbyiste qui ne se limitent qu'à un carnet d'adresse, rempli de noms d'amis ou de copains (à vous de voir) installés aux endroits stratégiques. Vous comprendrez pourquoi, quel que soit l'heureux élu, c'est toujours la même politique économique et sociale qui est conduite même si les slogans sont aux antipodes les uns des autres ; pourquoi les programmes (fussent-ils de mille pages comme l'était celui de l'actuel Ministre des Finances) rejoignent bien vite les innombrables rapports calant des bureaux branlants ou alimentant les bacs ad hoc de recyclage « citoyen » (tout aujourd'hui est« citoyen ») qu'on appelait jadis corbeille à papier. Vous ne saurez pas vraiment ce que font ces gens, quelle utilité peut être mise au regard de leur coût mais François Hollande, lui-même, vous en donnera une petite idée (page 185) à sa manière si attachante : « Je connais bien cette institution (la Cour des comptes). Je l'ai choisie après l'ENA pour pouvoir faire parallèlement de la politique. D'ailleurs, les membres sont deux par bureau, pour que chaque personne puisse vérifier que l'autre n'est pas en train de dormir. »
Vous comprendrez en revanche pourquoi on va très vite vous expliquer que le Référendum d'initiative citoyenne s'il venait à voir le jour sous la pression, non pas des pneumatiques mais des gilets jaunes, doit être « encadré ». Je redoute qu'il ne soit « encadré » à la manière du défunt Ravaillac, c'est-à-dire écartelé entre quatre chevaux.
Tout cela est parfaitement écoeurant. Prenez un Alka-Seltzer, mais lisez ce petit livre, informez-vous. Il vous reste ce droit et celui de réclamer que, dans l'effort nécessaire de réduction de la dépense publique, on commence par cette caste, car comme disent les Chinois : « le poisson pourrit toujours par la tête ».
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Bien sûr, nous ferons d'abord semblant de nous offenser des salaires incroyables que s'offrent quelques gouvernants de ce pays alors que ce n'est une surprise pour personne.


Mais rapidement, après quelques dizaines de pages consacrées à l'énumération de montants qui ne veulent plus rien dire, associés à des noms que nous avons déjà oublié d'associer à des êtres vivants, nous devrons nous rendre à l'évidence : ce délire est le leur, et si nous parvenons à vivre avec beaucoup moins, ils doivent bien arriver à vivre avec beaucoup plus, malgré les souffrances qu'ils en retirent et que nous ne connaîtrons heureusement jamais.
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Lire cet essai avec un peu de recul sur le parcours politique d'Emmanuel Macron a quelque chose d'édifiant.
Il permet de comprendre un peu non pas la machine politique que l'on sait puissante mais la machine de la haute administration qui l'est encore plus.
Cela fait prendre conscience du long chemin qu'il reste à parcourir pour obtenir plus de transparence dans le Fonction Publique.
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Tout d'abord, je tiens à remercier les éditions Robert Laffont et Babelio pour m'avoir permis de découvrir ce livre grâce à l'opération Masse Critique.
J'en ai beaucoup entendu parlé au moment de sa sortie. Il propose de nous emmener au coeur de ce que l'auteur appelle les "intouchables d'Etat", c'est-à-dire les hauts fonctionnaires. Ils sont une "caste" qui dirigent en "sous-marin" notre pays.
Même si on sait qu'il y a beaucoup de hauts fonctionnaires en France, qui ont droit à une "valse" à chaque changement de majorité, j'ai été effarée par ce que j'ai appris dans cette enquête. En effet, passé un certains nombre d'année au service de l'Etat, les hauts fonctionnaires peuvent demander une disponibilité et passer dans le privé..... puis revenir au service de l'Etat..... et ainsi de suite (comme l'a fait notre Président d'ailleurs). Même si je suis fonctionnaire, j'avoue que je ne connaissais pas ces petits "arrangements entre amis".
J'ai appris pas mal de choses dans ce livre mais je regrette l'accumulation d'exemples qui sont énoncés au fil des chapitres et un certain manque d'analyse. En effet, j'ai eu l'impression que l'auteur choisissait un axe pour chaque chapitre et ensuite, il accumulait les exemples. Par contre, il n'y a pas ou peu d'analyse des raisons qui entrainent tel ou tel état de fait. Par exemple, un chapitre est consacré aux "couples d'Etat". On a un enchainement d'exemples de couples qui occupent les plus hautes fonctions dans l'appareil étatique mais à la fin, je n'ai pu m'empêcher de me demander "et pourquoi l'auteur nous a parlé de ça ?"
Pour conclure, je dois dire que j'ai quand même passé un bon moment de lecture. J'ai appris beaucoup de choses sur les arrangements des hauts fonctionnaires et je dois avouer que par moment, cela fait un peu froid dans le dos. Néanmoins, je regrette qu'il y ait un certain manque d'analyse et que par moment, on ait affaire à une accumulation d'exemples confirmant les arguments énoncés par l'auteur. Cette enquête est très intéressante mais n'est pas, je pense, à la portée de tout le monde.
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Les intouchables d'Etat, ceux qui en veulent toujours plus, dans des postes bien planqués où ils ne travaillent pas vraiment, du moins pas beaucoup. Cela leur permet de se diversifier, parce qu'il faut bien s'occuper, vous comprenez, le temps, ça passe vite. Alors il faut faire croire à des compétences qui ne sont pas vraiment là pour être mises en pratique, l'important c'est d'accumuler de l'argent, beaucoup d'argent, un maximum d'argent, sur le dos de qui?
Mais c'est évident, sur le dos des contribuables, vous savez, ceux qui triment toute la semaine pour un salaire soit disant décent et qui payent des impôts que les autres s'empressent de mettre dans leurs poches pour des prestations non effectuées.

Alors, évidemment avant les élections, tous les partis vont vous dire qu'ils vont supprimer les possibilités pour des hauts fonctionnaires de cumuler des postes et de passer du public au privé au gré de leurs envies, peu importe les conflits d'intérêts mais c'est bizarre, une fois que les hommes politiques sont en place, ils n'y arrivent jamais, peu importe leurs couleurs, au rythme des quinquennats, ça ne passe pas sauf au compte gouttes.

Et avec tout ça, il faut garder la motivation pour aller bosser, garder le moral et continuer à se lever pour que d'autres profitent sans aucun problème de conscience.

Tant que l'argent de l'Etat sera géré par des vautours, c'est sûr, les hôpitaux vont continuer à régresser, les écoles à péricliter, les routes à être en mauvais état et l'environnement à être pollué et le prélèvement d'impôt restera injuste or pour qu'un Etat puisse recueillir l'assentiment des citoyens, l'impôt doit être perçu comme juste.
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Livre polémique très bien documenté qui décrit les hautes sphères de l'état, toutes les magouilles dont elles font l'objet, tous les calculs très rémunérateurs de ses dirigeants.
Tous ces hauts fonctionnaires sont issus du même milieu, la plupart du temps de l'ENA, bénéficient de privilèges exorbitants qu'ils s'emploient à conserver et à entretenir.
Beaucoup de ces gens là jonglent de façon curieuse entre le public et privé, passant de l'un à l'autre, avec beaucoup de calcul…

« Des conseillers d'État, gardiens ultimes du droit public, qui monnayent leurs carnets d'adresses et leur connaissance intime de l'appareil administratif en devenant avocats d'affaires ou lobbyistes. Puis reviennent dans la fonction publique profiter à vie de leur statut exorbitant... sans que personne les inquiète.
Des hauts fonctionnaires de Bercy qui, après avoir gagné plus de 200 000 euros par an dans leur administration, se font recruter par de grands groupes privés pour révéler les fragilités de la loi fiscale... qu'ils ont parfois eux-mêmes rédigée !
Des membres de la Cour des comptes qui se répartissent les postes dans les établissements culturels les mieux rémunérés, qu'ils sont censés contrôler. D'autres qui deviennent consultants privés pour aider au démantèlement de... l'État. »

« Des inspecteurs des Finances qui deviennent banquiers d'affaires et vendent, très cher, leurs conseils à leur ancienne administration... pour y retourner quelques années plus tard.
Des énarques dont les erreurs de gestion coûtent des centaines de millions d'euros aux contribuables, qui ne sont jamais sanctionnés... mais souvent promus.
Des chefs de grands corps qui mènent des combats acharnés en coulisses contre des ministres de la République afin de conserver leurs pouvoirs et leur influence... et qui y parviennent.
Des couples d'énarques, de plus en plus nombreux, au sein desquels les époux se font la courte échelle tout au long de leur carrière... avec succès.
Emmanuel Macron n'ignore rien de ces pratiques parfois scandaleuses. Rien non plus du poids considérable, excessif, de ces intouchables dans la vie publique et économique de notre pays. Parce qu'il vient de ce monde, il serait le plus à même de le réduire. À moins qu'il ne soit, au contraire, le plus tenté de le perpétuer. 

Livre qui fourmille de noms, d'exemples concrets.
Un peu difficile à suivre pour qui connaît mal tous ces appareils d'état et organismes, où qui voit mal où commence et termine le conflit d'intérêt, où la prise illégale d'intérêt. Ou autre…
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La collusion entre ENA, avocat de finance et politique. Edifiant.
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Paru déjà depuis 2 ans, n' a pas pris une ride....Il faudrait écrire la suite, encore plus sombre..
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