AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Arakasi


Victoire, mes amis, victoire ! En ce jour de liesse, la République de Ciudalia vient d'écraser l'armée du Chah de Ressine, envoyant par le fond les trois quarts de sa flotte de combat. Bien sûr, tout le monde ne peut pas être à la fête… Sur la galère qui fend les flots vers Ciudalia pour annoncer la glorieuse nouvelle, il y en a un qui n'en mène pas vraiment large : penché au-dessus du bastingage, don Benvenuto Gesufal, maître-espion du podestat Leonide Ducatore – le co-dirigeant de la République – est bien trop occupé à vider tripes et boyaux par-dessus bord pour se mêler à l'enthousiasme général. Mais que diable vient-il faire sur cette galère, don Benvenuto, lui qui exècre cordialement toutes aventures maritimes ? Et bien, pas des choses jolies-jolies… Car sous l'appellation pompeuse de « maître espion » se dissimulent les véritables fonctions de Gesufal auprès de son excellence Ducatore : don Benvenuto est un assassin – et pas un vulgaire coupe-jarret, attention : un des meilleurs de toute la République, le nec plus ultra des trancheurs de gosiers !

Et dans les jours à venir, le podestat Ducatore aura bien besoin des services de son redoutable homme de main. Car si le conflit avec Ressine est terminé, une autre guerre ne va pas tarder à débuter, souterraine celle-ci, mais non moins redoutable et cent fois plus perverse, car il s'agit maintenant de déterminer à qui profiteront les richesses et le pouvoir acquis. Cette guerre-là se livrera à la pointe des poignards et de la langue, une guerre de pots-de-vin, de ruses sinueuses, d'influences et de cruelles traitrises. En vérité, le programme s'annonce fort chargé pour l'ami don Benvenuto ! Trimballé des bas-fonds de Ciudalia (Cité-état fort semblable à la Sérénissime Venise) aux splendeurs de la Cour de Ressine par les manigances machiavéliques de son patron, il devra déployer toutes ses ressources homicides, ainsi que toute son ingéniosité et tout son bagout – non négligeables l'une comme l'autre – pour protéger les intérêts de ledit patron et tenter de conserver sa propre tête intacte sur ses épaule. « Gagner la guerre », oh oui, mais à quel prix…

S'il fallait définit le roman de Jean-Philippe Jaworski en une phrase, ce serait celle-ci : « Gagner la guerre » est un roman d'intrigues dans une Renaissance italienne uchronique, mais raconté par le bras droit du grand méchant de l'histoire. Si, si, vous voyez bien : le type là-bas qui se tient habituellement derrière le dos de son maître, les bras croisés et la mine patibulaire. Car, qu'on ne s'y trompe pas, don Benvenuto n'est pas un « gentil gredin » : c'est un hargneux, un violent, un tueur, le genre de type que l'on ne souhaiterait pas rencontrer dans une ruelle sombre. Mais c'est aussi un fabuleux conteur ! Sous sa plume acérée, débordante de vie, d'humour noir et de rage, les aventures les plus terrifiantes et les complots les plus sournois nous deviennent des délices. On sourit, on rit, autant que l'on grimace de dégoût ou d'effroi. On se laisse séduire et emporter, au point d'en oublier quelle fieffée canaille est notre aimable narrateur.

Intrigues à tiroirs parfaitement construites, style épatant mêlant argot et envolées lyriques, dialogues superbes, personnages passionnants (outre don Benvenuto que l'on ne peut qu'adorer, mon petit coeur sensible va spontanément vers son enflure de patron, le très brillant et très cynique podestat Leonide Ducatore, digne émule d'un Machiavel ou d'un Rodrigo Borgia, mais j'aime aussi Sassanos le sorcier de son excellence, au coeur noir et à la magie plus noire encore, Clarissima sa petite garce de fille et bien d'autre)… Un délice, je vous dis ! le genre de livre que l'on dévore à toute vitesse et que l'on abandonne avec une pointe de regret cuisante. C'est qu'on l'aurait bien suivi pendant encore quelques centaines de pages supplémentaires notre bon camarade Gesufal… Car comme il le dit si bien lui-même « quoique vous sachiez que je suis une inqualifiable crapule, n'êtes-vous pas un peu mon ami ? »

Santé, don Benvenuto !
Commenter  J’apprécie          314



Ont apprécié cette critique (28)voir plus




{* *}