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Critique de Erik35


BUSINESS AS USUAL...

Voici donc le quatrième volet des Rois du Monde portant le titre exact de "Chasse Royale deuxième branche III " (ouf !) par le désormais célèbre Jean-Philippe Jaworski, lequel s'était fait connaître par son excellent Gagner la Guerre qui obtint, en son temps, le prix Imaginales 2009 du meilleur roman francophone. Et c'était plutôt mérité, tant les aventures du spadassin Benvenuto Gesufal étaient épiques, ébouriffantes, enthousiasmantes !
Enthousiasmante, cette nouvelle saga ne l'est pas moins... En tous les cas, les trois premiers volumes l'étaient incontestablement. Or...

Mais commençons par le commencement :

On retrouve donc une fois encore le "Haut-Homme" Bellovèse, fils de Sacrovèse (l'ancien "Haut-Roi" trahi par son propre frère, Ambigat, et qui mourra dans les affres de la guerre pour sa survie), toujours entouré de ses deux ambactes, le fulminant lancier Drucco, toujours près à en découdre malgré un bras défaillant, et le monstre débonnaire Malpilos, un affreux mais pacifique cocher qui a pourtant sauvé la mise de notre jeune et impétueux héros. Celui-ci, entouré d'une petite troupe de pillards insubres commandés par Cictavanos qui, par haine du pouvoir éduen a décidé de lui prêter main forte, est parvenu à se sortir des griffes magiques de l'infernale Prittuse, la première épouse reniée du Haut Roi et qui s'en est vengé en participant à la rébellion. Voici donc nos valeureux guerriers partis rejoindre le Gué d'Avarra, capitale en détresse d'un Haut-Roi qui, il le faut, a dû s'y réfugier le temps de laisser passer le plus gros de la tourmente. Après un petit détour par son ancienne demeure - qui enflammera pour complaire aux Dieux - voici donc Bellovèse enfin derrière les murs difficilement prenable de la haute-ville. Il y retrouvera Suagre, le fils de son père adoptif et mentor Sumarios, mort en défendant le jeune guerrier. Suagre voue une haine définitive à notre narrateur car il estime qu'il est la cause principale de la mort de son père biologique. Il y retrouvera aussi Galba, le barde tant aimé de son enfance avec Sagrovèse, son frère (lequel est passé du côté de la rébellion, avec son cousin, le propre fils du Haut Roi !). Il y croisera aussi plus d'une fois le druide portier Uisomaros, vieillard aveugle et chenu mais sage parmi les sages. Il y fera à nouveau allégeance à la Haute Reine, seconde épouse du Haut-Roi, au beau nom de Cassimara. Mais de Haut Roi : point ! Pas plus d'ailleurs que ses soldures et leurs ambactes, ce qui n'aidera pas à soutenir ce siège qui s'annonce ou bien fort long ou, au contraire, extrêmement bref, l'armée amassée à ses portes ayant sans aucun doute intérêt à forcer son destin au plus vite avant que les inévitables problèmes de ravitaillement que connaissent invariablement toute armée en déplacement.

C'est peut de dire qu'on se bagarre dans ce volume. On se tue, on se massacre, on écharpe, on taille, on fonce, on gueule, on se provoque, on y va pas avec le dos de la lance ou de l'épée ! En fait, à l'exception de quelques moments de calmes avant toutes ces tempêtes annoncées (ou non), durant lesquels il est presque toujours question de guerre, de s'y préparer, de deviner les intentions de l'ennemi, de moyens de vaincre,etc, on n'y fait pour ainsi dire qu'y guerroyer. Pieds-tendres et fleurs bleues s'abstenir ! Ça sanguinole à tour de bras !

Bon.

Et ?

Et bien, si l'on retrouve avec plaisir la verve et le style impeccable de l'auteur de Juana Vera, si on se laisse embarquer par le tourbillon de cette lutte sans merci, de ces coups fourrés, de ces démonstrations inépuisables de "j'en ai une plus grosse" (oui, pardon mais ces celtes sont tout de même d'abominables macho, sexistes, paternalistes et "testostéronés", selon nos critères contemporains. Et même si les quelques femmes de l'histoire sont, druides exceptés, les véritables cerveaux de l'histoire, ce rapide volume est franchement des plus virils), tout cela semble à la fois sans fin et sans but. D'ailleurs, il apparaît peu à peu évident que rien ne sera sérieusement résolu dans ce troisième épisode de la Deuxième Branche, qu'il faudra pour cela attendre quelques mois que le quatrième épisode sorte enfin en librairie... Pire : une fois ceci compris, on finit par en avoir un peu soupé de ces héros si parfaitement imparfaits, qui gagnent toujours même lorsqu'ils perdent (ainsi que plus ou moins inversement), dont les caractères, les qualités et les défauts n'évoluent tellement plus qu'on s'ennuie poliment de les voir répéter sans cesse les mêmes erreurs, d'avoir toujours le-trait-de-génie-pile-au-bon-moment-alors-que-tout-semblait-perdu (le lecteur sait pourtant bien que non, puisque la saga est loin d'être achevée)... le seul qui s'en sort un peu mieux, c'est le brave et naïf Malpilos, l'homme qui savait parler à l'oreille de toutes les bêtes, et dont on apprend l'étonnant secret de famille. Il y a bien la demi-soeur de Bellovèse, l'insupportable Sacrila, - qui n'est rien moins que la réincarnation de la Gallicene Saxena, celle-là même que Bellovèse dû tuer pour survivre à son coup de lance mortel - dont les excentricité essaient d'égayer un peu l'ensemble, mais sans y parvenir tout à fait, le personnage étant trop bien campé "gamine casse-pied et surdouée" pour s'y laisser surprendre. Bien entendu, il y a toujours, plus que jamais, ce rythme, intrépide, inarrêtable, impétueux qui ne lâche pas le lecteur un seul instant, même si le récit presque interrompu de bagarres, de confrontations belliqueuses sont bien moins la corne de corma (sic!) de votre humble chroniqueur que les beaux passages mystiques, magiques et parfois purement oniriques des précédents épisodes.

Alors on est navré de comprendre qu'on a franchement été pris pour une vache à lait éditoriale ! Que le découpage de ce volume et du suivant en deux est parfaitement arbitraire et d'intention très largement pécuniaire. Sans doute (mais il faudra pour cela attendre le prochain numéro de cette, par ailleurs, magnifique saga celte pour le savoir), les deux volumes réunis en un seul eussent-ils été bien plus épais que ses prédécesseurs. Certes, Jean-Philippe Jaworski aime ses histoires au point de, parfois, se laisser embarquer par elles et d'être, ainsi, un peu trop hâbleur, ajoutant des lignes aux lignes sans que cela soit absolument essentiel, au risque, nous l'avons dit, de lasser poliment son auditoire. Petit péché d'orgueil ? C'est possible, et on veut bien lui pardonner tant les fruits de son imagination peuvent se faire magiques, mais attention aux abus, s'il ne veut pas prendre le risque de décevoir ou de n'être plus suivi. En attendant, on referme ce quatrième volet avec un peu d'amertume, de dépit, d'irritation : il n'est jamais agréable d'avoir le sentiment d'être le dindon de quelque farce que ce soit, même d'excellente facture.
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