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Citations sur Rois du monde, tome 4 : Chasse royale III, Percer au .. (9)

Les dieux prennent un malin plaisir à redresser le cours des choses. Après avoir obtenu l’appui d’ennemis amicaux, voici que je me heurte à un allié qui me hait.
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Le druide que la gamine a l'outrecuidance d'importuner paraît infiniment plus décrépit, il est marqué par les infirmités. Mais l'âge ne flétrit pas Uisomaros comme il peut faner Albios. Dès mon arrivée au Gué d'Avara, le druide portier respirait le prestige des très vieilles gens ; il avait l'air si ancien et si fragile qu'il ressemblait au fantôme des temps passés, revenant siéger au milieu de la presse vigoureuse des guerriers. Pourtant, au fil des ans, certains héros tombaient à la guerre, les fils d'Ambigat mourraient, et Uisomaros demeurait parmi nous, toujours plus chenu, toujours plus décharné, toujours plus ridé. C'était à croire que les dieux prenaient plaisir à le métamorphoser en une créature de plus en plus fantastique. Saison après saison, ils tavelaient sa peau, clairsemaient sa barbe, édentaient ses gencives, épaississaient ses ongles, allongeaient son nez et ses oreilles. L'âme du Portier n'en brûlait que plus vive dans cette carcasse racornie. En fait, l'accumulation des disgrâces finissaient par sublimer le corps égrotant pour lui prêter un pouvoir de fascination de plus en plus fort. Quoiqu'il ne fût pas le plus sacrificateur, Uisomaros était de ces patriarches suffisamment vénérables pour parler avant le roi.
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Une fois à l'abri, ma première pensée est pour Mapillos. Je me précipite vers le char, arrêté à quelques dizaines de pas du portail. Dans un état lamentable, une roue voilée, je timon fendu, la caisse hérissée de traits, il est à peine croyable que le véhicule ait pu rouler jusque-là. Mapillos, à pied, est en train de rassurer ses coursiers : les animaux, écumants, zébrés de plaies, bronchent malgré la douceur de l'aurige. Il faut dire que le spectacle offert par le cocher est encore plus effrayant que d'habitude : le visage en sang, plusieurs javelines empêtrées dans son sayon, apparemment insensible à la douleur, il n'a jamais autant ressemblé au géant de bois de Beltinia.
«Malpilos, tu es complètement fou ! lui dis-je.
- Gravement cinglé ! renchérit Drucco avec jubilation.
- Mais l'exploit que tu viens d'accomplir, c'est digne d'être chanté !»
Le colosse nous glisse un regard embarrassé.
«C'est juste qu'on abandonne pas de bons chevaux, se justifie-t-il. J'ai descendu la colline pour pouvoir faire demi-tour.»
Préoccupé par son attelage, il ne se rend pas compte qu'il nous a sauvé la mise. Sans doute les fumées invoquées par Morigenos lui ont-elles permis d'échapper à une blessure mortelle en gênant les tirs ennemis, mais le nigaud n'en a pas moins réussi à traverser l'armée assiégeante dans les deux sens sans réaliser qu'il s'agit d'un haut fait que lui envieront tous les héros. Tout en hurlant de rire, Drucco va débarrasser le géant de ses échardes.
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La haute reine esquisse un geste las.
"N'ai-je pas assez donné, n'ai-je pas assez perdu ? Mais soit. Je consens encore à cette imposture ; je consacrerai ce palais de mon impuissance ; j'y brulerai mes forces et ma volonté à ne rien faire. Ainsi vous aurez les coudées franches pour défendre une effigie royale.
- Tu ne seras pas seule ; je garderai ta porte, dit doucement le druide.
- Bien sûr, convient Cassimara, et je prendrai aussi sous ma protection ta jeune soeur, ma nièce, Bellovèse. Les femmes, les enfants et les vieillards à l'abri. Je comprends pourquoi vous aimez tant la guerre, vous les hommes. C'est votre tour de passe-passe pour confisquer le monde."
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Il a beau plaisanter, le soldure de mon cousin a eu peur. Il adopte une posture défensive, le bras levé, la garde de l’épée plus haute que la pointe qui lui protège le visage mais qui peut aussi très vite intercepter une estocade au torse ou aux jambes. J’essaie de le pousser à la faute en redoublant les menaces, tantôt en garde haute, tantôt en garde basse, guettant l’écart qui me permettra de tromper sa vigilance. En fait, c’est moi qui me fais piéger à mon propre jeu. Modifier l’angle d’attaque à la lance implique aussi de changer la position de la main directrice : pouce vers l’arrière à hauteur d’épaule, pouce vers l’avant à hauteur de hanche. C’est une manœuvre devenue pour moi un réflexe, auquel je ne prête plus attention. Or c’est un tort : mon adversaire est armé d’une épée, sur la poignée de laquelle la préhension de varie que du pouce et de l’index. Bussuro a saisi ma faille. Il pousse une attaque brusque à l’instant précis où je jongle avec ma lance pour inverser la prise ; en un battement de paupière, il perce ma défense. Seul l’instinct me dicte ma réaction. Lâchant mon arme pour que sa chute dévie l’estocade, à la grâce des dieux, je me précipite au corps à corps, ramassé sur moi-même. J’ai réussi à passer sous la pointe, mais je sens la brûlure d’une entaille à la base du cou. Qu’importe, j’arrive au contact. Le temps que Bussuro retourne son épée pour m’éreinter, j’ai saisi le bâtardeau lié à la gaine de son arme, je l’ai tiré, j’éventre l’homme du prince de la hanche au nombril.
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Des étrangers dans mes murs. Pas même des Bituriges, ni des parents sénons de mon épouse. De parfaits étrangers : des Éduens et quelques Séquanes, d’après les couleurs des tartans.
Depuis la rive opposée de l’Ouidia, sous le couvert des bosquets qui ombragent le coteau, j’épie ma propre demeure. Au moins le bâtiment principal et les dépendances tiennent-ils toujours debout ; je m’attendais à bien pire en revenant sur mes terres… Que la guerre ait épargné ma maison ne suffit pourtant pas à ma réjouir. Tous ces hommes qui vaquent là-bas comme chez eux me hérissent le crin. Ils prennent leurs aises sur le pas de ma porte, là où Senniola aime filer quand le soleil brille ; ils piétinent le potager soigneusement entretenu par Licca ; ils mènent boire leurs chevaux dans ma rivière ; ils ont coupé la haie du grand pré pour alimenter leurs feux…
« Il y a du monde, grommelle Drucco à mon côté.
– Pas tant que ça, répond tranquillement Ueroccios. J’en ai compté onze. Évidemment, il doit y en avoir d’autres à l’intérieur, sans oublier ceux qui fourragent dans les parages… »
Quand nous sommes arrivés dans la vallée de la Nicra, entre Brogilos et Rigomagos, Cictovanos et moi sommes tombés d’accord pour cacher la petite troupe en bordure d’un marais ; le chef de bande m’a laissé pousser une reconnaissance jusque chez moi, flanqué de son frère cadet. J’ai aussi entraîné Drucco dans notre incursion, en invoquant sa connaissance du pays ; je craignais surtout de le livrer à lui-même avec les Insubres qu’il exècre. C’est ainsi, en longeant des taillis et en remontant des chemins creux, que nous nous sommes faufilés en vue de Rigomagos.
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Il faut attendre que la nuit commence à pâlir pour que le tumulte s’essouffle. Nul silence, pourtant ; la petite brise crue qui court aux avant-gardes du jour apporte toujours, par bouffées capricieuses, quelques paroles d’une étonnante netteté, le grincement d’un charroi, le gros éclat de rire d’une bande d’ivrognes. Gagné par le calme relatif qui retombe sur les bas quartiers, on est tenté de fermer les yeux, de sombrer enfin dans un sommeil de brute. L’erreur pourrait être fatale. On touche aux rivages du matin ; dans ces hauts-fonds, combien de guerriers sont morts, surpris par la perfidie de l’ennemi ! (p. 158.)
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C'est dans la défaite bien plus que dans la victoire qu'il convient de déployer de la grandeur pour demeurer fidèle à soi-même. Mais si tu parviens à garder la tête haute, qu'importent les métamorphoses que t'imposent les caprices des dieux ! Il ne s'agit que d'un remous au fil du fleuve de nos existences.
Je me rappelle que juste avant de tomber dans l'embuscade des bergers ausques, là-bas, dans le causse, je me suis presque rêvé corbeau porté par le vent des cimes ; quand j'ai chassé avec mon frère, mon oncle et tous nos hommes, je me suis senti loup au milieu de la meute ; et quel est donc ce grand cerf que je cours, dans ce monde et dans l'autre, en compagnie des vivants et des morts, sinon un souvenir qui continuera de se dérober tant que je n'aurai pas compris que c'est moi qui je chasse ? Le Forestier en personne m'a traité de chien ; je n'y ai entendu que l'injure, mais peut-être l'image recelait-elle une vérité primitive. Je suis corbeau ; je suis loup ; je suis cerf ; je suis chien - et c'est pourquoi la mort de ma pauvre Uimpa me fait encore saigner le cœur… Je suis entretissé des existences animales que j'ai traversées avant de sortir du ventre de ma mère, et leur mémoire palpite, plus vive que jamais, dans l'exaltation de la course, dans les rituels de pouvoir et de défi, dans le goût du sang. En fait, ce collier et ces fers qui m'écorchent ne se révèlent pas si lourds. Ils me fixent un instant dans la nature du captif ; ils me rappellent à une condition que j'ai connue entre la sauvagerie et l'humanité ; ils enrichissent le cycle de mes incarnations. Après tout, je suis déjà mort et je suis déjà revenu. J'ai tous les avenirs devant moi. C'est ce qu'avait si bien compris Excingomar : quel que soit le terme de ma captivité, je serai bientôt libéré. Je reviendrai : chagrin, corbeau, loup, chanson, ou chien… Ou héros vengeur. Je reviendrai.
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Derrière l'enceinte voisine du drunemeton, le meuglement des bêtes que l'on sacrifie ajoute son vacarme au tumulte de la foule.
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