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Critique de Bookycooky


Patrice Jean, auteur que je viens de rencontrer grâce au billet de Christophe, entre d'emblée avec le personnage de Serge le Chenadec propriétaire d'une agence immobilière, dans le vif d'une autopsie de nos sociétés contemporaines.
Ce monsieur Tout le monde au physique médiocre, arrivé à l'âge adulte se noie dans des questions existentielles superficielles. Il va vite retrouver ses repères dans une rencontre fortuite avec une femme « qui lui est supérieure », la rencontre se finalisant avec un mariage et deux enfants , « Vraiment, le mariage arrangeait tout : plus de solitude, fornication à volonté, respectabilité, approbation maternelle , sentiment d'être un homme. » Sauf que cette finalité qui rassure , s'avère très vite n'en être pas une. D'un père de famille, il est vite réduit à un simple domestique oeuvrant à la satisfaction matérielle des membres de cette même famille, qui le méprisent, pour son aspect physique, son manque d'intérêts culturels,....bref symbol de la difformité. « Serge le Chenadec, agent immobilier,quarante-cinq ans, marié, deux enfants : l'homme surnuméraire “, traduction : le loser qui n'a plus sa place dans nos sociétés contemporaines, un personnage en trop et superfétatoire. Alors qu'on se demande ce qui va s'en suivre car nous sommes qu'au tout début du roman, Patrice Jean change de perspective et nous introduit un second personnage « surnuméraire », Clément Artois, la trentaine, beau garçon, grand lecteur au chômage......mais qui va pourtant bientôt se lester d'un boulot éditorial assez particulier. Ce dernier consistant à faire subir des cures d'amaigrissement assez drastiques aux grands classiques littéraires, coupant dans l'oeuvre « les morceaux qui heurtent trop la dignité de l'homme, le sens du progrès, la cause des femmes..... pour les rendre humaniste». L'écrivain en profite pour se lancer dans une critique sans pitié des milieux éditoriaux, avec quelques piques aux lecteurs et lectrices, surtout à ceux ou celles qui ne se contentent pas de lire mais qui profèrent aussi ses opinions, comme nous par exemple 😁 ! Perso j'ai trouvé cette partie très divertissante, vu que c'est juste et lucide.

Ces deux personnages surnuméraires, qui n'ont strictement aucun terrain de rencontre, vont se croiser par le biais de la littérature. L'histoire de le Chenadec est un roman dans un roman, une mise en abyme. À travers l'analyse des relations sociales et privées des deux protagonistes,on débouche sur une satire brillante de nos sociétés actuelles . le snobisme des classes privilégiées envers tout ceux ou celles qu'elles ne voient pas dans leur rang (argent, milieu, capital culturel, salaire et même aspect physique et habillement ) ; le pédantisme des intellos des milieux universitaires dont les borborygmes deleuziens ou foucaldiens résultent dans des discours sans queue ni tête (« ...en gros il ne disait rien... »), mais qui face au désir charnel se réduisent à l'état de primate 😁 (revanche époustouflante de l'auteur et de son alter-ego fictif Patrice Horlaville).

Un livre intéressant qui touche à de nombreux thèmes.Doté d'une excellente prose et d'une structure particulière, sans tomber dans de profondes réflexions pédantes , l'auteur s'emploie à nous donner une piètre image de l'humain et de ses occupations existentielles , le couple, le sexe ( quand on emploie le mot copuler pour faire l'amour, c'est déjà autre chose ), l'amour, l'amitié, et les rapports sociaux. L'image d'une société scindée en deux, les gagnants et les perdants, achève ce tableau pessimiste, où l'on a d'yeux que pour les premiers, et qu'on méprise royalement les seconds , le « on » étant un très large public. Personnellement , j'ai aimé nos deux perdants, nos deux hommes surnuméraires qui restent fidèles à eux-mêmes quitte à rester "losers" !

Merci Christophe, ton billet ne m'avait pas donnée envie de le lire d'emblée, mais finalement la curiosité l'emportant , c'est toi qui me l'a fait lire 😁!

«  J'avais toujours été frappé par le dogmatisme bébêtes des philosophes, du moins des professeurs de philosophie que j'avais rencontrés.Même quand il citait le sceptique Montaigne, c'était pour fabriquer une théorie du scepticisme, où il ferait bon vivre, à l'abri de l'existence. »
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