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Critique de Kirzy


Un lieu : la forêt.
Une saison : l'hiver
Une narratrice.
Une mère et sa fille ( la narratrice ) qui tentent de se relever chacune du deuil d'un fils.

Ce premier roman est sans concession, comme le choix de ces deux femmes qui quittent le monde pour se réfugier dans une forêt qui va absorber leur rage, la douleur physique, les tourments de l'âme et leur effondrement intime que constitue le deuil d'un enfant.

« J'avais décidé d'arrêter de penser. Seule l'extrême et insondable peine pouvait me le permettre. La complexité de mes émotions, au moment de l'arrachement suprême, avait atteint un tel niveau que tout semblait s'être éteint en moi. Ne plus rien ressentir était une autre façon de mourir. J'étais devenue atone. Et puis, la nature m'avait réveillée. Les bruits légers, fondus dans la vie. Les animaux partout. Ignorant ma peine. Actifs, sans décorum inutile, sans fioriture. Des modèles de présence et mes guides permanents. »

La très belle idée de ce roman réside en cette symbiose entre la nature pétrifiée, la rugosité de l'hiver, la présence de la forêt et ces deux femmes en souffrance qui ne parviennent à survivre que dans ce lieu extrême, dépouillée de toute humanité. La paix du froid. Tout est d'une grande justesse dans cette analyse du deuil qui explore aussi bien le rapport au corps, la féminité, la relation mère-fille, la transmission. Tout appelle à l'introspection dans ce lieu, ce qui donne une ambiance littéraire très singulière, un peu hypnotique, qui m'a rappelée ( même si le point de départ et le contexte son très différents ) Dans la forêt de Jean Hegland.

Un roman d'ambiance donc. Un roman de styliste avant tout. Aurélie Jeannin écrit vraiment très très bien, d'une plume précise et ciselée, tour à tour poétique et percutante. Je lis toujours avec à portée de mains des petits bouts de papier pour marquer les passages marquants ... et là, j'en avais sélectionné un nombre très élevé !

« Se détacher à ce point des choses est un apprentissage infini. Maman et moi n'attendons plus rien, ni visites, ni surprises. Nous ne sommes plus dans le projet. Notre façon d'être, à chacune, puis les drames qui ont bouleversé nos vies, nous ont en quelque sorte forcées à devenir des êtres du présent. Cela s'est fait à notre insu mais aussi de façon très volontaire et tenace. Ne pas ruminer le passé, ne pas se projet dans le futur, vivre ici et maintenant est sans conteste l'effort le plus important que j'ai jamais eu à fournir. Et je crois qu'il en est de même pour Maman. C'est à ce prix que nous tentons de surmonter nos deuils, l'une et l'autre. On ne se relève qu'au présent, à chaque pas, à chaque geste. C'est mon sentiment. On ne tient pas vraiment debout, on se relève, on retombe et on se relève. Et on le fait à chaque seconde. Tout cela mis bout à bout fait que nous tenons debout. En restant dans le passé, on tombe en arrière, et rien ne nous retient. Si on se projette, on tombe en avant, dans ce trou incertain que représente l'avenir. Il faut être dans le présent, de façon absolue, profonde, totale, pour, à défaut de continuer de vivre au moins ne pas mourir. »

Un premier roman vraiment prometteur pour inaugurer la toute nouvelle collection «  Traversée » de la maison d'édition Harper Collins.

Lu dans le cadre d'une masse critique privilégiée.
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