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Critique de Patsales


On le sait au moins depuis Camus, la vie est absurde et Meursault meurt sous le soleil, définitivement étranger au monde qui l'entoure. Ce n'est pas gentil, me direz-vous, d'aller chercher des références aussi écrasantes pour un jeune auteur qui débute. Sauf que les références en question sont tellement surlignées tout au long du roman que ça en devient presque gênant.
Donc Léo, adolescent forcément mal dans sa peau qui méprise le monde entier en écoutant Wagner, regarde Oscar mourir. Bon, pourquoi pas? Oscar semble plus assuré dans la vie, ce qui est déjà une bonne raison de le laisser crever, en plus l'aider nécessiterait d'agir et il fait chaud et puis bien sûr laisser mourir est déjà un bon début pour se tuer soi-même. Être ado n'est pas de la tarte, tuer ou mourir sont des options qui s'envisagent; d'ailleurs Gide dans « Les Caves du Vatican » ou Eugenides avec « Virgin suicides » ont dit des trucs pas inintéressants sur le sujet.
Je suis donc toute prête à m'intéresser à ce meurtre par non-assistance à personne en danger -mais encore faudrait-il que j'y croie.
Sauf que ce n'est pas possible. Rien, absolument rien n'est crédible dans ce roman. Revue de détails et j'en oublie forcément.
Oscar s'étrangle avec des cordes de balançoire. Ok. « À un moment sa tête a basculé en avant, ce qui a dû donner un élan aux cordes, car elles sont reparties dans l'autre sens, se sont démêlées de plus en plus vite et l'ont libéré. » Pardon? En une phrase, Victor Jestin remet en cause les lois physiques les plus élémentaires et je sens page 12 que je vais avoir du mal à aller jusqu'au bout du livre.
La quatrième de couverture annonçait que Léonard décidait d'enterrer le corps « dans la panique ». Ce qui donne dans le texte: « Il m'a paru évident qu'Oscar devait disparaître. Je n'ai pas réfléchi davantage. » Bon. C'est une panique discrète.
Donc Léo traîne le cadavre jusqu'à la plage pour l'enterrer. Il traverse tout le camping qui dort, évidemment. D'ailleurs Oscar n'est pas lourd. « Le camping dormait. » « Il n'était pas si lourd ». J'admire ces phrases qui se croient suffisantes pour zapper toutes les contraintes du réel. Et une fois la plage atteinte, pouf pouf, Léonard enterre le corps. Il enterre le corps. À main nue. Dans du sable sec. Ce type est un mutant.
Puis il récupère le portable du mort. Depuis qu'il a disparu, sa mère n'a cherché à le joindre qu'UNE seule fois. Tiens, sa mère aussi est une mutante.
Le lendemain, son copain Louis lui annonce qu'il a connu sa première expérience sexuelle. Et que dit un ado à un autre ado quand il aborde ce chapitre essentiel ? Il lui raconte qu'il a eu du mal à être excité et qu'il en a pleuré. Ce camping est décidément peuplé d'extraterrestres.
D'ailleurs : un homme « avait installé sur le coffre de sa voiture une antenne qui lui permet d'avoir la télévision dans sa tente, ce que la majorité des campeurs trouvaient de mauvais goût. »
D'ailleurs:  quand Léo trouve une adulte relou, il lui dit:  « Vous m'oppressez ».
Etc.
Ce roman est hors-sol. Les mots et les choses y sont dits mais ne font surgir aucune matérialité, rien qui puisse donner un semblant d'existence à ce monde de papier brouillon. Je suis prête à parier que Jestin n'a jamais passé de vacances sous tente dans un camping populaire, ce qui n'est pas une tare, mais le milieu qu'il imagine pour ses personnages est une idée de camping, de même que son périple à traîner le cadavre paraît issu d'un jeu vidéo.
Sinon, le livre se termine comme on pouvait s'y attendre et Sysiphe est heureux.
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