Aucune larme ne coulait sur ses joues. Des larmes, sans doute qu'elle n'en avait plus. Ne plus pouvoir pleurer à six ans c'était avoir déjà trop dépensé d'espoir.
Qui pouvait avoir un avenir en restant ici? Une autre vie que trimer comme une bête de somme durant les deux mois de clémence que vous accordait la météo, et, le reste de l'année, s'enfermer et regarder le ciel blanchir, s'épaissir jusqu'à devenir opaque et n'être plus que monotonie.
Tom partait du principe que dès lors qu'on avait le choix s'installaient le doute et, avec lui, les ennuis.
Au sortir de sa léthargie comateuse, il était roulé en boule, sa chair était au supplice. Une odeur saturait la cave de sa pestilence, mélange de vomi et d’urine, elle s’unissait désormais à celle de la moisissure.
La misère, ça pousse n’importe quel gentil à devenir teigneux.
— On se marrait bien, tous les deux, avec mon paternel, avant qu’il se mette dans l’idée de battre le record du monde d’absorption de boisson qui dérouille le foie. Fallait voir ce qu’il s’envoyait, même un pipeline pompait moins de litres à l’heure.
— [...] Là-bas, c’est pas la même limonade, ce serait même tout le contraire. C’est le coin des richards, les mômes y sont jolies, mais aucune chance qu’un gus comme toi leur mette la main dans la culotte ou la queue dans la bouche, c’est collet monté, guindé, pisse-froid et compagnie, sans parler qu’y a pas de bistrot, y a que des pavillons et…
Le vieux contrôlait les sorties, les dépenses, la manière de se vêtir de chacun, il contrôlait tout à l’exception de ce qui lui échappait. L’amour. La tendresse.
Il prétendait que pour qu’une histoire fonctionne entre deux êtres, le mieux consistait à considérer que chacun était né à compter de leur rencontre. Ignorer le passé de l’autre, c’était se préserver de quantité de tentations malsaines, telles que la jalousie ou la comparaison.
Il avait précisé que la seule façon d’aider son prochain était de lui permettre de subsister pour entreprendre, non de lui offrir sa pitance.