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Critique de Albertine22


le livre de Vincent Jolit est déroutant, plus d'ailleurs par sa forme que par le fond. le narrateur se remet d'une opération délicate et douloureuse à l'oreille. Il a pris soin d'amener avec lui un exemplaire de "La Recherche" de Marcel Proust, mais comme à chaque hospitalisation, il n'en lira pas une ligne. Sa démarche cependant pour échapper à sa chambre, aux machines auxquelles il est relié, est toute proustienne. Il regarde le ciel par la fenêtre et se souvient. le revoilà sur la presqu'île de son enfance, chez sa grand-mère adorée.

Pour ne pas épuiser trop vite son "capital" souvenirs, il se remémore les lieux petit à petit, pièce après pièce. Il détaille, avec un souci qui peut sembler maniaque, cette maison un peu particulière. Restaurant panoramique, reconverti en boucherie, la distribution des pièces est assez curieuse. le narrateur est parfois ramené à la réalité de façon brutale, à la merci d'un soin ou du réveil de la douleur. La narration est alors en suspens, la phrase s'arrête alors qu'elle n'est pas terminée. Quand notre personnage repart au "petit pays" de son enfance, il lui arrive de reprendre un épisode déjà évoqué. Ce n'est jamais réellement une répétition, la mémoire le restitue toujours avec d'infimes variantes.

Dès le début, l'on perçoit l'importance de la grand-mère. le narrateur la fait revivre par touches pointillistes, puis lui accorde des passages beaucoup plus longs. Elle est, pour le garçonnet, comme le mimosa du jardin. Lui seul soupçonne, derrière ses tenues neutres et pratiques, que sa grand-mère est un soleil, le baignant de sa tendre chaleur. L'homme adulte, alité et souffrant, repense aux moments partagées avec elle. Beaucoup sont d'une grande simplicité et me rappellent ma propre enfance. Il a grandi et acquis de nombreuses connaissances. Son goût pour la littérature et la peinture se superpose aux images surgies du passé. le mimosa du jardin de sa grand-mère devient indissociable de celui du tableau de Pierre Bonnard, "L'atelier au mimosa". D'ailleurs Pierre Bonnard et Marcel Proust semblent les deux figures tutélaires de ce singulier roman. Certains passages ressemblent à des esquisses de tableaux, d'autres ont la syntaxe et le vocabulaire riche et précis d'un écrivain érudit.

Je ne suis pas certaine que ce livre trouvera forcément de nombreux lecteurs. Je me demande si d'ailleurs tel est l'objectif de Vincent Jolit. Son roman tient de l'expérience littéraire, mais vibre pourtant d'une poignante sincérité. Je conçois qu'il puisse déconcerter. Moi, j'ai beaucoup aimé. J'ai retrouvé en quelque sorte mon mode de fonctionnement : ce prisme de la culture qui, au coeur des actions les plus quotidiennes, me ramène souvent à un livre, un poème ou un tableau.

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