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Critique de motspourmots


Il y a des romans dont on a envie de noter chaque phrase, de l'épingler dans un cahier et de se délecter chaque jour de cette collection précieuse. Les mots de Constance Joly sont sublimes. Son univers se démarque par la beauté, la poésie, la science de l'image. Dans cette prose, tout est symbole, impression, rêve qui opposent leur charme à la souffrance ou à la grisaille du quotidien. Ce roman, on s'y love, on s'y console autant que sa belle héroïne.

Car oui, le besoin de consolation d'Alma est immense. Billie, sa fille adolescente dépérit à vue d'oeil. Tumeur, opération disent les médecins. Non, pense Alma. C'est autre chose. Ce chardon qui pousse dans ses poumons. On n'est pas chez Boris Vian lui répond Jean, son mari. Mais Alma s'obstine, s'accroche à son instinct qui lui souffle que la vérité est ailleurs. Peut-être en elle, dans toutes ces valises qu'elle trimbale comme autant de casseroles. Peut-être dans ce rapport fusionnel qui rend Billie hyper sensible et intuitive, lui fait ressentir ce qu'Alma ressent. Peut-être dans ce lien qu'entretient Alma avec les absents, les personnages de romans, les écrivains disparus mais qui font partie de son quotidien de bouquiniste. Alma dialogue avec Chicago May, trouve du réconfort auprès d'une statue De Balzac. C'est peut-être là, dans les rêves, dans sa relation avec les disparus, dans les livres aussi que se trouve l'espoir...

"Admirer la vie et s'en sentir dépossédée. Est-ce cela la mélancolie ?"

Sur la route d'Alma, tout est signe. Un chat roux, des oiseaux, une biche, un tigre. Comme dans les rêves, il faut en faire l'interprétation, trouver leur signification. Ils ne sont pas là par hasard. "Parmi les ombres, Alma voit parfois la silhouette du chat à la queue tordue s'arrêter sur son balcon ; le chat, ce hiéroglyphe incompréhensible qui vient rythmer leur vie depuis que la maladie de Billie l'a fait dévier de son chemin si clair". Alma avance, décrypte. Tente de capturer le beau. Accepte l'incursion dans le passé, parfois douloureuse, pour mieux se découvrir elle-même et affronter l'avenir.

"A quoi peut bien servir la beauté ? se demande-t-elle. A rien. Et cela lui met les larmes aux yeux. Elle observe le lavis du crépuscule, les feuilles pourpres de l'érable ruisseler de rosée. La beauté ne sert à rien et pourtant, elle console de quelque chose qu'on ne sait pas nommer".

La beauté, surtout irradie ce texte et diffuse au lecteur sa petite lumière douce, apaisante. L'exercice pourrait être périlleux, la forme pourrait cannibaliser le fond, il n'en est rien, bien au contraire. L'ensemble se révèle harmonieux, mélodieux, parfaitement équilibré. Il interroge sur ce qui constitue les êtres dans leur extrême complexité au carrefour entre passé, présent et avenir. Avec une délicatesse, une finesse et un tel amour des mots que le lecteur n'a qu'une envie : y retourner.

La littérature, quand ça ressemble à ça, il n'y a pas grand-chose de meilleur.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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