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Critique de hcdahlem


Confinés dans la ferme familiale

Avec Chaleur humaine Serge Joncour poursuit la chronique d'une famille d'agriculteurs entamée avec Nature humaine. le confinement rassemble à nouveau parents et enfants dans le Lot. Un retour à la nature qui n'a rien d'un long fleuve tranquille.

S'il n'est pas nécessaire d'avoir lu Nature humaine pour goûter à ce formidable roman, je le conseille toutefois pour faire la connaissance de cette famille d'agriculteurs et suivre notamment le parcours des membres de la fratrie. Les parents restent des piliers intangibles, accrochés à leur terre et bien décidés à continuer à la faire fructifier, même si leur santé commence à décliner et que les rendements ne sont plus mirobolants. Ils ne conçoivent tout simplement pas une autre vie. Leur fils Alexandre, 57 ans, est resté à leurs côtés, s'engageant dans l'élevage. Un choix qui doit beaucoup à son épouse Constanze qui s'est investie dans un projet de recherche et qui accueille volontiers les scientifiques dans leur ferme. Les trois filles, Vanessa, Caroline et Agathe ont quant à elles, choisi de partir, non sans avoir auparavant paraphé un contrat pour l'installation d'éoliennes sur leurs parts de terrain qui leur rapportent un joli pactole. Vanessa s'est installée à Paris en tant que photographe pour la publicité et doit constater qu'à la l'heure du numérique les temps deviennent de plus en plus difficiles. Caroline, sa soeur aînée est prof à Toulouse où elle s'est installée avec son mari Philippe. Mais le couple n'a pas résisté au temps qui l'aura usé plus vite qu'imaginé. Agathe, enfin est mariée avec Greg, qui est aussi son associé. Après avoir géré une boutique de vêtements, ils ont tenté de rebondir dans la restauration du côté de Rodez. Pour cette grande gueule, la décision de fermer tous les restaurants est une catastrophe dont il a beaucoup de mal à se remettre. Ce n'est pas de gaîté de coeur qu'il accepte de rejoindre la ferme des Bertranges avec son fils, un adolescent un peu perdu qui se prend pour un caïd.
Toute la famille se retrouve donc en ce mois de mars 2020, alors que la pandémie venue de Chine s'étend sur toute la planète. L'occasion d'ouvrir une parenthèse pour souligner une qualité de ce roman, celle de nous rafraîchir la mémoire et nous rappeler la chronologie, les discours rassurants puis graves, l'incrédulité puis la peur et enfin la sidération de cette période si proche et pourtant si lointaine.
Avec sa plume aussi bucolique que précise, Serge Joncour détaille ce huis-clos explosif durant lequel il faut à nouveau apprendre à vivre ensemble malgré toutes les différences, les inimitiés et les opinions aussi tranchées que variables. Ce temps des doutes est saisi avec maestria par un auteur dont on partage le plaisir à ausculter ce microcosme, miroir de notre société. Car à ce moment-là nous n'étions guère différents, oscillant entre la peur et la volonté de surmonter l'épreuve, cherchant comment redonner du sens à des vies soudain mises à l'arrêt. C'est avec humour – notamment en suivant les facéties d'un trio de bichons rescapés d'un trafic lui aussi stoppé – que l'auteur dépeint ces semaines qui vont changer bien plus qui ne l'imaginaient la vie de ses protagonistes. Entre prises de bec et coups de fusil, on réfléchit aussi à la place de la nature dans un monde totalement déréglé du fait des activités humaines. À l'image du constat fait par Constanze, on comprend que tout est lié et que nous ne sommes sûrement pas au bout de nos peines: «après deux vagues de chaleur en deux ans, et deux sécheresses cataloguées en catastrophe naturelle, toutes les essences manquaient d'eau. Les bonnes pluies de l'année précédente n'avaient rien réparé, les arbres s'épuisaient à s'hydrater et leurs défenses immunitaires étaient au plus bas, dès lors la moindre attaque de parasites les menaçait, surtout que ces parasites profitaient pleinement du réchauffement climatique et de la mondialisation pour proliférer. le cercle vicieux était amorcé.»
Du grand art !

Lien : https://collectiondelivres.w..
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