Eyja vit dans un petit village de pêcheurs islandais, est mariée à un homme de vingt ans son aîné, alcoolique et cynique. Si cet homme lui pourrit la vie, elle ne peut pour autant pas s'en passer. le salut viendra de sa famille, sa grand-mère notamment, qui l'enjoint de quitter le domicile conjugal pour rejoindre celui de sa cousine, Rúna, qui vit en Suède. Il est temps pour la jeune femme de
tourner la page, quitter l'enlisement d'un quotidien aux vapeurs éthérées ; c'est peut-être ce qui lui permettra enfin de libérer sa créativité et de s'autoriser à écrire le roman qu'elle a en tête depuis de nombreuses années.
J'ai pu découvrir ce roman islandais «
Tourner la page » grâce à l'opération Masse Critique orchestrée par Babelio.
« Servi par un style vif et sans fioritures, ce texte moderne et intelligent sur la reconstruction de soi pose aussi la question de la création littéraire. « Un des plus éminents ouvrages de l'année passée, voire des années passées. »
Hallgrímur Helgason » Ces propos placés en quatrième de couverture sont plus qu'alléchants : le roman «
Tourner la page » promet d'explorer de manière croisée la question de l'écriture et celle de la quête de soi. Qui plus est, un éminent écrivain islandais, auteur du célèbre roman « 101 Reykjavik », adapté au cinéma, semble chaleureusement cautionner l'ensemble. La présentation de l'auteure de «
Tourner la page »,
Audur Jónsdóttir, ne nous laisse pas en reste non plus : « Romancière, dramaturge et journaliste, elle est la petite-fille de
Halldór Laxness, prix Nobel de littérature. Ses six romans, qui l'ont imposée comme une valeur montante de la scène littéraire islandaise, ont été l'objet d'excellentes critiques et de prix prestigieux. » Qui dit mieux ?
C'était donc pleine d'entrain et d'allant que j'entrai dans la lecture de cette oeuvre. Las… Ma déception fut à la hauteur des espoirs que je fondais dans la lecture de cette oeuvre…
La créativité et l'originalité frappent d'emblée. Les titres des chapitres, généralement courts, condensent cette qualité. Quelques exemples, çà et là : « Au début, on devra contempler la fin », « Prélude au déroulement sinueux des événements », ou encore « Quatrième étape de la rééducation : préparation d'un jeune poète à l'autocritique ». Au départ, ce côté très farfelu semble plaisant, puis, très vite, l'agacement s'installe, jusqu'à l'abandon forcé, à mi-chemin.
Le style, décrit comme « vif et sans fioritures » dans la quatrième de couverture, est extrêmement déroutant, ainsi que le genre du texte : s'agit-il d'un conte, qui nous renvoie au monde de l'enfance ? En effet, certains personnages sont parfois renommés : le mari alcoolique devient « le Coup de Vent », la cousine Rúna « la Reine du Ski ». Ces transformations embrouillent vite l'esprit du lecteur qui est obligé, de fait, de faire fonctionner au maximum ses capacités inférentielles, quitte à se perdre en chemin. S'agit-il plutôt d'un drame, réservé au monde des adultes, tant les propos sont crus, voire scabreux ? le fléau alcoolique est décrit par le menu ainsi que le délitement des relations, du lien à soi et aux autres. Cette collusion de deux genres opposés m'a déroutée, d'autant que les personnages m'ont paru aussi peu sympathiques qu'attachants.
Ce qui m'a aussi découragée et amenée à déclarer forfait à mi-chemin de l'intrigue, c'est le côté labyrinthique de la construction narrative : j'ai eu beaucoup de mal à comprendre le fil conducteur d'ensemble, d'autant que l'auteure se plaît à opérer entre certains chapitres des sauts brusques dans le temps, soit en avant, soit en arrière. Peut-être aurait-il fallu que je lâche prise, acceptant de me laisser porter par l'imagination féconde de l'auteure ?
Même si je n'ai pu me laisser envoûter et porter par cette intrigue, je tiens malgré tout à remercier Babelio et les éditions
Presses de la Cité pour cette découverte islandaise.