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Critique de Sofiert


Avec une audace un peu crue, Anneli Jordahl parvient à concilier l'engouement pour le nature writing et l'attirance pour les" manuels de survie à l'usage des jeunes filles" en emportant ses lecteurs dans les forêts primitives de Finlande et en multipliant par sept le nombre de ses guerrières.

Car les soeurs Leskinen ne sont pas de fragiles créatures à la recherche d'un protecteur mais des sauvageonnes qui ne viennent en ville que pour vendre des peaux et des champignons à la foire.
" Que savait-on au sujet des soeurs ? Les réponses se contredisaient. Des inadaptées, de pauvres filles incapables de fonctionner en société, affirmaient la plupart. Pensez donc, elles ont grandi sans télévision, sans ordinateur ni téléphone portable. Ca fait dix ans qu'elles n'ont même plus de téléphone fixe. Elles ne sont pas allées à l'école. Elles savent sans doute à peine lire. "

Si la narratrice est fascinée par ces sept filles à la chevelure rousse, elle n'est pas seule dans ce cas. Déjà parce que leur père était un chasseur d'ours légendaire. Ensuite parce qu'elles ont grandi en meute loin du monde. Et aussi parce qu'il semble émaner d'elles un "eco-erotisme", à la manière d'une écosexualite qui prône la recherche du plaisir dans les contacts avec la nature. Elles n'hésitent d' ailleurs pas à provoquer leurs clients par des danses obscènes pour vendre leurs queues de renards.
" Ce qui les distinguait, c'était l'odeur. Une odeur acre et tenace de sève de pin, de sueur et de sexe pas lavé. "

Si Anneli Jordahl ne nomme pas cette sexualité, elle se diffuse cependant tout au long du roman. de nombreuses scènes évoquent la nudité et le plaisir éprouvé lors des baignades en eaux glacées, les saunas, les bains de boue et la masturbation compulsive de Tiina, l'une des soeurs lors de ces sorties dans la forêt. de même, l'autrice ne rend pas ses héroïnes dépendantes des hommes pour obtenir du plaisir et, au contraire, les relations charnelles ont des conséquences négatives, comme la fausse couche ou la perte de l'argent familial.

Le roman propose une immersion olfactive surprenante. On perçoit bien sûr les odeurs de la forêt, autre héroïne du livre, avec ses parfums de mousse, d'écorce, de fougères, de lacs et de ruisseaux. Mais aussi un vaste nuancier d'odeurs corporelles : sueur, pets, rots et sexes féminins qui trouvent leurs équivalents dans le langage grossier employé par les soeurs.

Aussi violentes dans leurs comportements que dans leur vocabulaire, les soeurs sont d'abord envisagées comme une entité avant d'acquérir progressivement une identité personnelle. A mesure que les plus jeunes se détachent de l'emprise du père, elles vont développer une sensibilité particulière que l'on ne pouvait soupçonner lorsqu'elles étaient présentées en meute.
Chacune d'entre elles va développer sa singularité et devenir attachante, même si l'issue pour certaines sera plus tragique.

Ce récit de survie en milieu hostile pour jeunes amazones finlandaises a des accents féministes qui relèvent du conte avec cette mythologie des sept soeurs, commune à plusieurs cultures.
Il n'empêche que l'écriture de l'autrice est résolument moderne et que son propos s'adresse aux jeunes femmes d'aujourd'hui soucieuses d'échapper aux stéréotypes et de trouver leur propre voie vers l'émancipation.

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