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Critique de Fandol


Écrire l'Histoire, la réécrire, l'interpréter est toujours une tâche périlleuse. Il y a les non-dits, les faiblesses, les actes de courage, les trahisons mais doit-on tout dire, tout écrire ?
Dans ce roman, Les Mémorables, Os Memoráveis, Lídia Jorge réussit une performance littéraire impressionnante que les éditions Métailié ont bien fait d'éditer en français, grâce à la traduction de Geneviève Leibrich.
Avant de me plonger dans le Portugal, trente ans après la Révolution des Oeillets, a Revolução dos Cravos, Lídia Jorge m'emmène aux États-Unis chez l'ex-ambassadeur des USA au Portugal. Il reçoit Ana María Machado, jeune reporter qui revient des terrains de guerre du Moyen-Orient. Elle est la fille d'António Machado, un grand journaliste portugais qui n'avait pas son pareil pour deviner le futur. Ana María travaille pour CBS sous la responsabilité de Bob Peterson, filleul de l'ex-ambassadeur. Ce dernier fait l'éloge de la destitution pacifique d'une dictature que fut la révolution des Oeillets alors que l'année précédente, au Chili, on massacrait et que Victor Jara était réduit au silence de la pire des façons.
Voilà donc Ana María revenu dans la maison de son père, un fumeur de pipe séparé de Rosie Honoré, sa femme, une actrice belge repartie au pays alors que leur fille fêtait ses douze ans. António Machado possède une photo unique, prise au restaurant Memories, sur laquelle figurent les principaux acteurs des événements se retrouvant un an après ce fameux 25 avril 1974.
Autour de cette photo débute ce que l'autrice nomme la fable, me faisant voyager au coeur de celle-ci car Ana María a recruté deux anciens camarades de fac : Margarida Lota et Miguel Ângelo. Si lui assure image et son, elle s'investit à fond dans les recherches pour poser les plus pertinentes questions aux personnes que les trois enquêteurs vont tenter de rencontrer.
Comme Rosie Honoré Machado avait pour habitude d'attribuer des sobriquets à tous les gens qu'elle fréquentait, aucun des protagonistes n'apparaît sous son vrai nom. En début d'ouvrage, quelques précisions historiques sont très précieuses. Est indiqué aussi que plusieurs personnes sont la synthèse de gens ayant réellement existé.
Les rencontres se succèdent avec le chef Nunes, l'Officier de Bronze, Tiáo Dolores le photographe, le major Umbela, Ernesto Salamida, El Campeador, la veuve de Charlie 8 et les poètes Ingrid et Francisco Pontais. Rien n'est facile. Chacun donne une partie de sa vision des événements de 1974 et aussi, surtout, de ce qui s'est passé ensuite. Ces hommes ont fait preuve de courage pour renverser une dictature mais l'autrice va beaucoup plus loin dans la psychologie de chacun, permettant de mettre à jour les doutes, les tourments, les réactions, allant nettement plus loin que l'historiographie officielle.
La narratrice, Ana María Machado ne nous épargne aucune de ses interrogations et surtout se confronte au mystère d'un père avec qui elle ne parvient pas à communiquer. J'ai trouvé cela assez angoissant, espérant toujours ce fameux déclic qui permet d'apporter une fin heureuse.
Les Mémorables est un livre à la fois politique, social et familial. Lídia Jorge m'a rappelé cette Révolution des Oeillets, ainsi dénommée parce que les fleuristes de Lisbonne distribuaient ces fameuses fleurs rouges aux militaires se déployant en ville et que ceux-ci les accrochaient à leurs fusils, magnifique symbole.
Cet événement important qui avait beaucoup impressionné le monde a hélas été trop vite oublié et, comme l'autrice le fait bien sentir, les mauvaises habitudes ont ensuite repris le dessus, comme cela s'est déjà produit bien des fois après un soulèvement populaire.

Lien : http://notre-jardin-des-livr..
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