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Critique de Matatoune


À quoi songent-t-ils, ceux que le sommeil fuit permet à Gaëlle Josse de rassembler une série de nouvelles autour de la nuit. Comme des instantanés à un moment donné, l'écrivaine en propose une trentaine pour explorer toute l'amplitude des situations qui illustrent ce temps arrêté souvent de solitude, où le monde s'infiltre par une fenêtre.

La problématique de la nuit est récurrente dans l'oeuvre de Gaëlle Josse au point de la faire figurer dans plusieurs de ses titres. le prologue, précis et poétique, répond à la question posée. On imagine la voix de l'écrivaine la lire à notre oreille.

Sa démarche s'illustre dans cet extrait » Nos nuits éveillées parlent d'étreintes, d'une silhouette évanouie, d'un geste retrouvé, de solitudes accrochées à notre cou, de voix murmurées, de la couleur d'un mur sur une île saturée de lumière, d'une phrase recopiée de carnet en carnet, de l'attente d'un appel, d'un mot qui n'a pas été dit, d'un prénom qui nous hante encore.«

Ses saynètes font le lien avec notre propre mémoire. Toutes ces nuits de solitude où la vie s'est construite autour d'une décision, d'une compréhension, d'une peur à apaiser, de chagrins à étancher, d'un corps à apprivoiser, d'une peau à découvrir et des mots à trouver.

Gaëlle Josse les attrape et les offre en quelques lignes qui viendront toucher notre mémoire et retrouver un souvenir, illuminer notre corps de ce retour d'émotions qui nous avait marqués.

Une trentaine de situations autour de l'obscurité, souvent à l'intérieur de maisons, où la fenêtre symbolise le lien avec le monde. La nuit est le moment où la voix intérieure reprend sa place, où le chuchotement s'impose même dans une boîte de nuit, et où enfin, les masques tombent pour mettre à nu notre soif de vivre, même si la mort rôde.

Quelqu'un quelque part …
Avec beaucoup de poésie et de pudeur, Gaëlle Josse décrit les moments nocturnes où la vie est au coeur de nos préoccupations. Les derniers instants d'amour d'un homme avec sa femme mourante, une femme âgée qui attend les signes de vie dans la rue vide, la première nuit d'un couple dans leur nouvel appartement.

La vérité de nos engagements, même si ce n'est que pour une minute, est plus intense dans l'obscurité du monde. Gaëlle Josse immerge au coeur de la fin de la carrière d'un grand pianiste, au moment où un homme se retrouve de nouveau père, ou à l'instant où une jeune femme remporte la sélection pour un rôle, même secondaire.

Mais, Gaëlle Josse ne contourne pas les peurs, les cassures et les souffrances. Elle imagine un chirurgien commettant une erreur banale ou nous emmène auprès d'un enfant terrifié, blotti au fond du lit.

L'écrivaine se met elle-même en scène, reprenant son stylo, un soir de dédicace dans sa chambre d'hôtel, en confiant son besoin de se recréer un monde, celui des mots. « Peut-être écrit-elle ce lieu, aussi, celui qu'elle habite en rêve, là où les champs de blé viennent caresser la mer. »

Pour conclure
Venue à l'écriture par la poésie, Gaelle Josse apporte sa sensibilité à saisir l'ambiance de nos vies. Étudiés à l'école, ses textes sont devenus presque des classiques et sont traduits dans plusieurs langues.

En quelques lignes, en quelques mots, ses microfictions créent un monde où l'ambiance est posée, l'attention captivée, l'émotion libérée. Comme dans ses romans, l'intensité romanesque est préservée, malgré la concision. de l'exercice littéraire qu'elle s'est imposé, Gaëlle Josse révèle, avec sensibilité, tout son talent.

C'est varié, bien croqué et terriblement réaliste ! Semblables aux stories sur internet, les histoires s'énoncent. Comme un air familier, la phrase poétique les distingue. Elles sont toutes différentes mais captent une situation réaliste, issue de l'expérience de chacun. Et, puis, une autre, encore et encore. On ne peut s'arrêter qu'à la fin. Encore une réussite !

À offrir pour ceux qu'un roman effraie !
Lien : https://vagabondageautourdes..
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