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Critique de Illwenne


Walter Neuman âgé d'une vingtaine d'années est autrichien et juif. Au lendemain de la "Nuit de Cristal" il est libéré du camp de Dachau et n'a pas d'autre choix que de quitter son pays. Il s'exile à Shanghaï, la seule ville qui accepte d'accueillir les juifs fuyant le régime nazi. A son arrivée, comme tous les nouveaux arrivants, il est accueilli dans un Heim : un foyer où les hommes sont entassés en attendant un sort meilleur ; ils sont si nombreux que leurs bienfaiteurs ne peuvent leur offrir que ça et un repas frugal quotidien. Walter n'a pas un sou en poche, il est parti si précipitamment...... En Autriche il était journaliste et travaillait pour le Journal de son père. A Shanghaï il n'a ni travail ni argent mais refuse la perspective de ne vivre que d'expédients. En y allant au culot (il propose de faire la plonge dans un café pour payer sa consommation), il trouve un emploi de plongeur, puis, bon musicien, il est engagé au Wiener Café en tant que pianiste. Là, il fait la connaissance de Feng-Si une ravissante chinoise qui a échappé à la misère en vendant ses charmes. Elle le prend sous sa protection, lui permet de se familiariser avec la ville et les moeurs chinoises. Il rencontre aussi Macha, fille de riches immigrés autrichiens avec qui il se fiance ; mais, le mariage étant sans cesse repoussé, il s'aperçoit au bout de quelques années de fiançailles, qu'elle n'est en fait qu'une enfant gâtée, interessée, et il rompt leurs fiançailles. Il écrit des articles dans les journaux locaux, est engagé dans un orchestre qui joue le soir dans un restaurant ; tous ces petits boulots lui permettent de garder la tête hors de l'eau mais pas d'envisager une vie meilleure. Son rêve, c'est d'immigrer aux Etats Unis et sa seule chance d'obtenir un visa, c'était Macha dont une partie de la famille vit à New York. Lorsque les Japonais envahissent la Chine, il doit fuir pour éviter d'être enfermé dans le ghetto. Il partira à Hong Kong où il finira par faire fortune et devenir un vrai "taïpan".
L'histoire se déroule entre 1938 à l'arrivée de Walter à Shanghaï et 1997, date à laquelle se termine le récit. A travers le personnage de Walter Neuman, l'auteure reconstitue la vie de cette communauté israélite, de ces hommes et de ces femmes de toutes nationalités qui, ayant fui l'Europe et la terreur nazie dans la précipitation, n'ont pas trouvé d'autre refuge que Shanghaï, la seule ville à les accueillir sans qu'ils aient besoin d'un visa. Parmi ces immigrés, certains s'entraident, d'autres s'affrontent : pour quelques heures de travail, pour être sûr d'avoir quelque chose à manger le soir. Ils côtoient la population chinoise mais se mêlent très peu à elle : la langue, les usages sont différents et beaucoup considèrent les chinois comme des êtres inférieurs, ce qui leur interdit d'accepter certains emplois. "C'est un travail de Chinois !.... Non seulement le Blanc déchoit quand il se livre aux taches inférieures, mais il prend le gagne-pain des Jaunes", déclare Horst le médecin, à Walter, alors que celui-ci n'a rien trouvé de mieux que quelques heures de plonge pour subsister. Parmi eux, il y a ceux qui ont pris la précaution de cacher quelques diamants dans leurs vêtements avant leur départ, il y a un homme qui a fondu un lingot d'or pour le transformer en clous dont il a décoré sa valise, mais il y a surtout ceux qui sont partis sans un sou. Il y a ceux qui, comme Walter, veulent rester loyaux et honnêtes jusqu'au bout et ceux qui n'hésitent pas à tremper dans les affaires les plus louches pour s'enrichir aux dépends de leurs semblables.
C'est toute une fresque de personnages tous plus attachants les uns que les autres que Michèle Kahn nous offre là, des bribes de vie qui mises les unes au bout des autres dépeignent à merveille le destin tragique de ces exilés. Elle sait nous faire partager avec émotion leurs espoirs et leurs désespoirs (les suicides ne sont pas rares) mais aussi leurs efforts pour survivre dans la dignité. Au fil de son récit très documenté, on parcourt les rues de Shanghaï grouillantes d'une population cosmopolite, et on est saisi par l'abondance des couleurs et des odeurs qui s'en dégagent.

Malgré ses cinq cents pages, Shanghaï-la-Juive est un roman qui se lit vite. La plume de l'auteure est fluide et aisée, il n'y a pas de temps morts. On ne peut s'empêcher d'être attéré devant tant de malheurs et d'admirer le courage de tous ces exilés.

Un roman passionnant tant historiquement qu'humainement.

Un grand merci à BABELIO et aux Editions LE PASSAGE
Lien : http://lecturesdebrigt.canal..
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