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Critique de PardiniGerard


« Disponibilité, émotion et risque » est l'intitulé du chapitre 13 de l'ouvrage de Kahneman « Système 1, systéme2, les deux vitesses de la pensée ». Kahneman entend par disponibilité le processus qui consiste à juger la fréquence avec laquelle les exemples viennent à l'esprit. C'est ainsi que l'on peut expliquer le comportement des victimes et des quasi-victimes d'une catastrophe qui vont s'engager plus fortement dans des actions de prévention ou de renforcement de leurs assurances. Ce processus est cyclique car sur de longues périodes on s'aperçoit que de tels comportements vertueux s'estompent au fur et à mesure que le souvenir de la catastrophe s'éloigne. Cela s'est vérifié sous tous les continents. En France la tempête Xynthia constitue un bon exemple d'oubli du passé. Les zones inondées l'avaient déjà été plusieurs dizaines d'années auparavant. La pression foncière conjuguée à l'absence de catastrophes majeures sur une assez longue période ont eu raison de la prévention et de la sagesse. Cette corrélation explique largement le caractère récurrent des conséquences dramatiques d'une catastrophe naturelle.
Les économistes sont également utiles pour nous rappeler que les politiques de prévention sont généralement conçues pour répondre à la plus mauvaise des situations dont nous avons eu l'expérience. Fukushima est désormais la référence des politiques de sureté nucléaire et des politiques publiques de sécurité civile. Pourtant rien ne garantit que le maximum ait été atteint.
Autre point mit en exergue par Kahneman : l'importance de la couverture médiatique d'un événement. Les médias ne peuvent être rendus seuls responsables de l'appétence du public pour tel ou tel événement. le public influe également sur les médias qui vont publier des informations sous une forme dont le public est friand. Les aspects de voyeurisme, d'exagération ou de déformation correspondent à des attentes de consommation de l'information. Kahneman cite plusieurs exemples dont celui de la mortalité par la foudre comparée à celle liée au botulisme. le foudroiement est jugé 52 fois moins probable que le décès par botulisme alors que c'est le rapport inverse qui est vrai. Il nous faut donc compter avec l'inhabituel qui va générer une attention disproportionnée.
Une constante souvent oubliée : « le monde que nous avons en tête n'est pas une réplique exacte de la réalité » Cela s'applique aussi aux décideurs même s'ils feignent de disposer des moyens pour s'affranchir de ce constat.
La lecture de ce chapitre clé de l'ouvrage de Kahneman apporte un éclairage à quiconque s'intéresse au mécanisme de la prise de décision. Il y fait aussi référence aux travaux d'Antonio Damasio, chef du département de neurologie au Collège de médecine de l'Université de l'Iowa et spécialiste du cerveau humain. La somme d'analyses scientifiques réalisées par Damasio ouvre des perspectives immenses sur le mécanisme des émotions et de la pensée. Il est vraisemblable que la connaissance fine des mécanismes de notre pensée permettra de trouver des correctifs aux dysfonctionnements majeurs de nos sociétés, que cela concerne des addictions destructrices ou des prises de décision désastreuses polluées par des émotions. Ces avancées scientifiques vont permettre de prendre des décisions collectives complexes qui seront indispensables à la survie de l'humanité en les rendant acceptables à l'entendement de chacun. Bien sûr, le risque de dévoiement de telles découvertes existe et nous ne pouvons pour l'instant que faire confiance à chaque humain et à son aspiration au bonheur pour éviter la monstrueuse dérive d'une régulation des sentiments qui serait pilotée par un moderne Léviathan.

Lien : https://www.gerard-pardini.f..
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