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Critique de Seraphita


Il s'appelle Abd el-Kader. Il est né aux alentours de 1917 en Algérie. Son fils raconte sa trajectoire de vie, depuis la seconde guerre mondiale dans laquelle il a été impliqué comme soldat sur le sol français jusqu'aux années de reconstruction après la guerre. Un parcours d'immigré participant ici ou là de grands chantiers, tels des barrages. Une vie de labeur incessant, aux côtés d'une famille nombreuse, où les mains servent à édifier, à construire l'oeuvre de toute une vie.

Voici un bel hommage, tout en sobriété, rendu par un fils à son père. Les mains de ce dernier ont joué un rôle majeur au long de sa vie : il a multiplié les emplois qui nécessitaient une dextérité manuelle et physique, des emplois pour lesquels il était souvent exploité.

Ce court témoignage (100 pages environ) qui se déploie de 1932 à aujourd'hui nous retrace l'histoire de cet homme et de sa famille, avec en toile de fond, l'Histoire. Sont évoquées les relations entre la France et l'Algérie, la situation difficile des immigrés algériens en France. Les chapitres sont séparés d'un intervalle de 10 ans.

L'auteur dresse un portrait touchant de son père qu'il présente dans toutes ses facettes, les meilleures comme les moins bonnes. Il nous parle de l'analphabétisme de son père en mots simples, en revalorisant ses capacités :
« « Travail, famille, patrie », la devise du Maréchal avait laissé des traces dans les mentalités. C'était encore le temps du travail souverain, la reconnaissance passait d'abord par le fait de manier la truelle, la pelle ou la bêche. Si tu maniais mal la langue de France, et que, contrairement aux autres, tu ne savais pas lire le journal, tu pouvais au moins, grâce à tes bras, te rallier à la valeur commune, te soumettant de bonne grâce à cette vertu collective » (p. 49).
Mais en même temps, l'auteur reste réaliste et donne son sentiment sur cette situation d'analphabétisme :
« C'est triste une main d'homme qui n'a jamais tenu un livre entre ses doigts » (p. 71).

Ahmed Kalouaz célèbre les mains de son père à sa façon, des mains qui sont capables de dire bien plus que des mots, bien plus justement. Il fait l'apologie du geste :
« Même si ce sont aujourd'hui les miens, tous ces gestes t'appartiennent. Ce que tu n'as pas su dire en paroles s'est imprimé dans mes yeux, et je reproduis ces gestes à mon tour. Ce sont comme des mots qui reviennent, ce langage des mains, celui que tu as pratiqué jusqu'à l'épuisement » (p. 87).

Mais l'auteur n'hésite pas à aborder les facettes plus troubles de la personnalité de son père, par exemple, son antisémitisme ou encore sa difficulté à témoigner de son affection à ses proches.

Un portrait sobre, tout en nuance, humain, un bel hommage d'un fils pour l'existence de son père, une histoire qui a croisé la grande Histoire.
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