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Critique de Flodopas78


Gyeongha, la narratrice, hantée par des cauchemars récurrents et accablée de migraines invalidantes, incapable d'écrire, est sur le point de renoncer à la vie lorsque son amie Inseon, ancienne collègue de travail, lui envoie un appel à l'aide par SMS. Hospitalisée d'urgence à Séoul, elle ne peut rentrer chez elle sur l'île de Jeju. Gyeongha, peut-elle se rendre à son domicile où Ama, son perroquet blanc, risque de mourir si personne ne vient le nourrir. Se sentant responsable de l'accident d'Inseon, Gyeongha prend aussitôt l'avion, en pleine tempête de neige, pour sauver Ama. La nuit même, réunies comme par enchantement dans la maison d'Iseon, en plein blizzard, sans eau ni électricité, le temps que dure la flamme d'une bougie, les deux amies s'enfoncent dans le passé de Jeju.
La neige est omniprésente dans ce roman hallucinant et hallucinatoire. Elle hante chaque page, modifie les perceptions, rend aveugle à l'inessentiel et souligne ce qui a été oublié et refuse de l'être. Il est en effet ici question de mémoire : le souvenir traumatique d'un passé sanglant que la Corée du sud plongée dans plusieurs années de dictature a oublié jusqu'à une période récente. Il s'agit en particulier des exécutions arbitraires et massives commises sur l'île de Jeju par la police et l'armée aux ordres du gouvernement nationaliste de Syngman Rhee entre 1948 et 1950. Des centaines de personnes soupçonnées de sympathie communiste furent également arrêtées et envoyées en prison sur le continent. La plupart ne sont jamais revenus. Han Kang fait de ces évènements tragiques la matrice de son livre. Elle les reconstitue pièce par pièce à travers les rêves de Gyeongha, hantée par des visions récurrentes de morts, sous la forme de tronc noir se détachant sur le blanc de la neige et d'ossements sans sépulture submergés par les flots, et les souvenirs d'Iseon, hérités de sa mère et de son père. Ceux-ci ont survécu aux massacres perpétrés sur l'île mais l'oubli est impossible.
Dans ce roman, Han Kang rend justice aux milliers de morts restés sans sépulture et à leur famille qui ont attendu pendant des années que l'état les autorise à rechercher les corps disparus de leurs proches. Impossibles adieux car est-il possible d'oublier ce qui a été enfoui au plus profond de la mémoire collective ?
Un roman poignant dont il est difficile de se détacher.

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