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Critique de Pecosa


Nouvelle incursion dans la littérature israélienne avec 1948 de Kaniuk, d'abord à petit pas - pas envie de lire un autre Ô Jérusalem façon Lapierre et Collins- puis avec fébrilité. Car 1948 n'a rien à voir avec une geste épique.
-Si le récit est autobiographique - Kaniuk âgé de 17 ans est lycéen à Tel Aviv quand il s'engage clandestinement dans le Palmach - il n'est pas un héros représentant une collectivité dont l‘existence est en péril. Les morts ne sont pas nobles pour susciter l'émotion collective.
-Si 1948 est une année charnière, inscrite au fer rouge dans l'Histoire du pays, ce 1948-là participe différemment à la construction du roman national -« Mais avec le conflit israélo-arabe, le peuple juif a soudain eu besoin de héros »- c'est un roman d'apprentissage qui se déploie dans le chaos. A la fin de la seconde guerre mondiale, les rescapés affluent dans la plus grande confusion, les Britanniques quittent le pays. C'est un récit magnifique dans sa rudesse, sa causticité et sa violence, dans lequel des groupes de jeunes combattants affamés, quasiment sans arme et en guenilles sont contraints de dépouiller les morts pour se vêtir et se chausser.
1948 c'est aussi un vieil homme désabusé et malade qui écrit sur le gamin de 17 ans qu'il fut jadis, sur la violence crue, sur le courage qui frise l'inconscience, sur les cas de conscience qui souvent l'assaillent, sur les opérations hasardeuses, prises de collines, de villages, escarmouches, sur les individus singuliers qu'il croise parfois, comme ce gamin de 12 ans rescapé d'Auschwitz qui lui raconte avoir récupéré des diamants cachés dans le rectum de ses parents morts pour les revendre à des SS, sur le coût exorbitant en vies humaines des opérations militaires, sur le destin qui fauche les uns et épargne les autres.
Comme lui qui, revêtu d'un uniforme de marin britannique récupéré lorsque les Anglais abandonnent Jérusalem, sera épargné par un Britannique combattant sous uniforme jordanien qui le touche à la jambe, parce qu'il est jeune et que les rayons du soleil se reflètent sur le blanc de sa tenue.
Kaniuk s'interroge aussi sur la catégorie de "présent absent", appliquée en Israël aux déplacés internes palestiniens de 48, et sur la mise en avant de ceux qui ont participé au conflit au détriment des nouveaux arrivants:
« À côté d'eux, nous faisions figure de plaisanteries ambulantes, de gogos imbus d'eux-mêmes qui avaient gagné une guerre de carton-pâte. Rien à voir avec ce qu'ils avaient connu, la Wehrmacht, les nazis, la Gestapo, les blindés, les wagons plombés, les blocs peints en gris et rejoindre Dieu par la cheminée des crématoires. »
Ce roman initiatique d'une grande âpreté restera longtemps dans ma mémoire.
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