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Critique de sylviedoc


Salama n'avait que 17 ans lorsque la révolution, le "printemps arabe", a éclaté en Syrie en 2011, entraînant dans son sillage répression et terreur orchestrées par le tyran Bachar-el-Assad. Elle vit à Homs avec ses parents, son frère Hamza est marié avec sa meilleure amie Layla, et elle entame ses études de pharmacie quand le ciel leur tombe sur la tête...
Un an plus tard, sa mère a été tuée lors d'une explosion, Hamza et son père sont emprisonnés dans des geôles dont on ne ressort que dans un cercueil ou détruit à jamais, et Salama a été recueillie par Layla, enceinte de sept mois. Avec sa toute petite année de pharmacologie, elle se retrouve auxiliaire de chirurgie, assistant et même suppléant le Dr Ziad lors d'opérations de la dernière chance, le plus souvent sans anesthésie puisqu'on manque de tout à Homs. Et qui se soldent hélas fréquemment par le décès des blessés qui affluent tous les jours à l'hôpital, parce qu'on ne peut pas sauver tout le monde, il faut faire des choix déchirants.
Un jour, Salama parvient à tirer d'affaire la petite Lama, neuf ans, dont le frère Kenan filme les manifestations afin de faire connaître au monde la situation de son pays par le biais des réseaux sociaux (comme quoi ils peuvent être utiles, parfois). Les deux jeunes gens vont sympathiser, alors que Salama vit un affreux dilemme : rester en Syrie pour tenter de sauver le plus possible de blessés à l'hôpital, ou tenter de fuir avec sa belle-soeur Layla et l'enfant qu'elle porte, afin de tenir la promesse faite à Hamza de veiller sur sa femme ? Sa conscience, personnifiée par un être moralisateur et sans état d'âme qu'elle nomme Khawf ("la peur", en arabe) la somme de s'adresser à un passeur qui racole régulièrement à l'hôpital pour trouver des candidats à l'exil, un certain Am. Mais le prix à payer est élevé, et cela signifierait abandonner son pays auquel elle est très attachée, comme la plupart des habitants qui luttent contre le régime en place, abandonner son frère et son père dont elle ignore le sort, abandonner la tombe de sa mère, laisser le docteur Ziad et Nour, la femme de ménage propulsée infirmière s'occuper seuls de tous les blessés...et aussi abandonner Kenan qui n'est pas du tout prêt à s'exiler. Que choisira-t-elle entre une mort quasi certaine puisque les bombardements se rapprochent de jour en jour, ou une mort problable sur un des rafiots délabrés qui tentent la traversée vers Syracuse et n'y parviennent pas toujours ?

Je me suis sentie oppressée pendant presque toute ma lecture, au point de sursauter quand j'entendais au loin un avion militaire (il y a une base pas très loin). Je vivais la peur et la tension endurées par Salama, ses déchirements lorqu'elle devait choisir entre deux enfants ensanglantés lequel soigner en premier parce qu'il avait plus de chances de s'en sortir. J'ai eu envie de frapper Khawf quand il la harcelait pour qu'elle aille quémander auprès du passeur. Et je respirais enfin un peu lorsqu'à la tombée du jour elle rentrait sans encombres chez elle retrouver Layla ou admirer les couleurs du couchant avec Kenan.
Les plantes et les couleurs tiennent une place importante dans le récit : quand elle est en proie à l'angoisse, Salama se récite comme une litanie apaisante le nom des plantes qui soignent, avec leur propriétés. Quand aux couleurs, masquées le jour par la poussière s'élevant des ruines, elle réapparaissent par la magie d'un tableau peint par Layla, ainsi que grâce aux mots apaisants de Kenan qui les évoque lors de leurs rares moments de quiétude.C'est une forme de poésie bienvenue dans ce monde où tout n'est que violence et destruction, une goutte d'espoir au milieu des cris et des sanglots.
La superbe couverture est elle aussi évocatrice d'espoir, et de souvenirs du temps où les citronniers fleurissaient et fructifiaient partout dans le pays. Les citrons reviennent d'ailleurs régulièrement dans le récit, sorte de fil jaune symbolisant l'histoire de la Syrie, et d'Homs tout particulièrement.

Même si l'auteure ne vit pas en Syrie (elle est née au Canada et vit en Suisse), on ressent bien que ses origines lui tiennent à coeur, et que le but de son roman est de faire savoir au monde ce qui se passe réellement dans ce pays qu'on n'évoque plus que rarement aux infos, alors que la guerre civile se poursuit, et que le même tyran est toujours au pouvoir. Si ce livre peut contribuer ne serait-ce qu'un peu à dénoncer les exactions commises là-bas, alors le but sera atteint.

Merci à Babelio ainsi qu'aux éditions Nathan pour cette Masse Critique privilégiée. ce fut loin d'être une lecture plaisir, mais je crois que c'est une lecture nécessaire.
Ajout du 09/12/2023 :
Ce roman a été sélectionné par le comité de lecture ado dont je fais partie, puisque nous avons décidé depuis l'an dernier d'étendre nos sélections à certains ouvrages destinés aux jeunes adultes, ce qui est le cas ici.
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