La campagne de Mai-Juin 1940 fut le théatre d'une extrême brutalité, trop souvent éludée par la mémoire collective. On connaît l'odieuse formule de Céline : " neuf mois de belote, six semaines de course à pied", injure au sacrifice des 95 000 français tombés au champ d'honneur après des combats souvent héroiques. A temps égal, l'hécatombe surpasse les plus terribles batailles de 1914-1918.
On cogne à la porte. Louise Fontaine déverrouille. L’homme surgit dans son vestibule. Il est menaçant. Louise crie, pleure, imitée par son petit-fils, six ans. Leur chienne Tachette lance des aboiements aigus, hérissée, prête à mordre.
Adolphe repose son blaireau sur le lavabo, essuie son visage, cherche ses lunettes. Rivière le surprend dans la salle d’eau. Il brandit un petit colt. Que Fontaine le suive. Immédiatement.
Quimperlé est à l’arrêt. On ne sait plus qui la tient en main. Vendredi, une fusillade a éclaté place Nationale. Des pillards avaient voulu mettre à sac l’hôtel du Lion d’Or, abandonné deux heures plus tôt par les Feldgendarmes. Mais il restait des Allemands en ville. Ils ont surgi par la rue de la Paix et tiré dans le tas. Bilan : six morts, autant de blessés.
Puis, dans la nuit du 6 au 7, il y a eu le martyre de la jeune Monique Cadic, quinze ans. Arrachée de son lit, traînée par les cheveux, violée au coin d’un champ et achevée d’une balle dans la gorge. Par un Russe blanc, prétend la rumeur, un soudard de l’armée Vlassov. Les Russes blancs, eux aussi, ont
levé le camp. Le bruit court qu’ils rôdent dans le bois de Kerbertrand, à l’ouest de la ville. Comment savoir ?