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Critique de ydm


ydm
18 février 2024
Je le reconnais, j'ai ouvert ce livre en craignant d'y trouver un pensum historique. Eh bien non ! S'il est bien, en effet, le résultat d'un travail d'historien consciencieux – toutes les informations sont sourcées par des renvois en fin d'ouvrage – l'auteur a su le rendre passionnant. Très vite, il nous plonge dans la vie, autour d'une tragédie atroce, celle d'un père enlevé à ses proches par des fanatiques religieux. Bien sûr, pour les personnes de ma génération la mémoire de l'affaire est toujours vive, et la lecture est marquée de cette singularité, mais la qualité de la construction et de l'écriture en fait un ouvrage intéressant pour tous.
On voit vivre un petit monde, celui de la bourgeoisie intellectuelle de gauche parisienne, attachant par son altruisme, son amour de la liberté, son engagement émancipateur pour la cause des femmes, son refus du racisme, mais aussi agaçant lorsqu'il n'hésite pas à user de ses réseaux pour que les enfants soient admis dans un établissement scolaire de prestige, en dépit de leur lieu de résidence. Autour d'un personnage d'exception, une femme de force, d'amour et de foi en l'humanité.
Avec talent, l'auteur parvient à transformer trois années de vie en un roman vrai. Il dresse le portrait des acteurs, donne corps à l'intrigue, rend l'émotion palpable, met en scène les rebondissements, provoque les larmes et les rires.
Le narrateur a la cinquantaine aujourd'hui, et il regarde avec une lucidité émouvante l'enfant qu'il était hier. Sans rien cacher de la candeur qui était la sienne - et celle de son frère, mais non plus des tourments de son adolescence dans le contexte d'incertitude et de souffrance qu'on peut imaginer. Il règle au passage ses comptes avec le collège d'élite où on l'avait finalement accepté, comme si son statut de « fils d'otage » lui ouvrait des droits particuliers, et donne des coups de griffes à l'entre soi cultivé par ce petit monde de privilégiés, au point que le panache blanc du lycée Henri IV en est passablement terni.
On trouve dans L'enlèvement les combats d'une époque et toutes les tensions qui maillent une société : la loyauté, les trahisons, la lâcheté, le cynisme de certains politiques, le dédain même d'un pape ; et aussi le désintéressement, la grandeur et la fidélité dans les moments de doute, tous ces passages poignants qui prennent le lecteur aux tripes. Ce livre nous plonge dans la complexité des relations humaines, révélée par un récit qui rend compte avec
une sensibilité vibrante d'une histoire aussi exceptionnelle que douloureuse, dont l'évocation du dénouement, anniversaires longtemps fêtés avec chaleur, finit par lentement s'effacer comme les souvenirs d'une vie, au point que cet effacement fait naître le désir d'en inscrire la trace dans une oeuvre littéraire. Si l'on devait illustrer la magie de la littérature, comme transsubstantiation du réel en imaginaire, L'enlèvement pourrait servir d'exemple.
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