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Critique de Piatka


Déroutant et pourtant fascinant, magnifiquement imagé et écrit, je suis une nouvelle fois admirative devant la sensibilité et le talent littéraire de Yasunari Kawabata.

Entendons-nous bien : lire une oeuvre de Kawabata est une expérience littéraire en dehors des sentiers balisés, une épure des sensations et des émotions en quelque sorte - une intrigue réduite, peu de personnages, quasiment aucune action. Il est préférable d'être prévenu.
Il faut accepter de se laisser entraîner lentement dans un monde insolite, en lisière de la réalité, comme dans un rêve finalement. Hallucinations, visions, métaphores, je renonce à les lister ou même les évoquer, ce serait long, décousu et dénaturerait l'oeuvre, il faut la lire dans sa courte intégralité inachevée, car malheureusement oui, ce roman est resté inachevé, Kawabata s'étant suicidé avant de l'achever.
Mais j'y ai retrouvé ses thèmes de prédilection : la folie, l'amour, la mort, la tristesse, l'abandon, la culpabilité et puis toutes ces bribes d'ambiguïtés, ces faisceaux d'incertitudes entre la perception du réel des personnages, leurs psychologies et leur environnement ; une façon très personnelle de mettre en scène l'impuissance face à la maladie, au désir, tout en célébrant par touches la beauté de la nature et, aussi incroyable que cela puisse paraître, la beauté de la tristesse.

Inachevé certes, mais virtuosement abouti.

Un roman immobile, comme souvent dans la littérature japonaise, et chez Kawabata en particulier, centré sur les dialogues et questionnements intimes de la mère et de l'amant d'une jeune fille, récemment internée dans un hôpital psychiatrique car la belle souffre de "cécité sporadique devant le corps humain " - un mal qui se manifeste sans raison apparente, qui handicape sa vie et ses relations aux autres, avec son amant en particulier. Voilà succinctement le point de départ de cette quête de sens sans fin mais d'une lumineuse beauté intemporelle.
"Ce qui allège la pensée des parents qui ont abandonné un membre de leur famille dans cet asile d'aliénés, un lieu par ailleurs souvent lugubre et inhumain, c'est uniquement la beauté lumineuse de la nature environnante et les grâces et la chaleur que dispense la ville d'Ikuta – telle une fleur de pissenlits."

Et comme le souligne lui-même Kawabata : "Si ma mémoire est bonne, les fleurs de pissenlits se referment le soir pour se rouvrir le matin."
La nature, toujours la nature, refuge ultime et sans cesse renouvelé pour l'auteur, car "Quand on la connaît, on comprend que la tristesse humaine est sans limites."
Fort heureusement, l'amour aussi !
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