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Critique de ATOS


ATOS
21 novembre 2014
Sentiment étrange à lecture de ces six nouvelles d'Yasunraki Kawabata. Sentiment d'inachevé.
Sentiment étrange mais totalement explicable du fait de mon inculture japonaise. L'inachevé est une notion dont l'accès relève ,pour nous occidentaux, d'un exercice, d'une auto discipline.
L'inachevé, l'incomplet, l'imparfait,... nous n'assimilons pas cette notion.
Nous remplissons, nous clôturons, nous cadrons, nous remplissons à ras bord et le plus souvent jusqu'au ras le bol, nous encerclons, nous terminons, bien ou mal il nous faut écrire le mot fin.
La culture japonaise a totalement maîtrise cette notion d'inachevé. On peut le voir dans le respect du geste lors de la restauration par exemple d'un objet abîmé, détérioré.
On le répare mais on met un point d'honneur à rendre visible, à rendre lisible le passé de l'objet.
La beauté est dans ce qui est et non dans ce que nous voulons qu'il soit.
C'est comme si il ne fallait jamais fermer la porte.
Nous occidentaux, nous grimons, masquons, effaçons toute trace. Comme si rien ne s'était passé.
La culture japonaise c'est tout le contraire. Impermanence, imperfection, inachevé font totalement partie de la notion du beau.
L'arbre en fleurs, l'arbre vert , l'art rouille, l'arbre nu. Mais tout est processus. Impossible de comprendre la beauté de la fleur si on ne sait pas saisir celle de la neige. Il faut accepter l'ensemble, le tout, accepter la branche brisée si on accepte le passage du cerf. Accepter ce que raconte cette branche pour entendre tout ce que le cerf a à lui répondre.
Peut être est ce que la culture japonaise porte elle en elle l'acceptation. La forme la plus sereine d'une certaine compréhension.
En tout cas c'est une lecture du monde où chaque chose qui se referme s'ouvre automatiquement sur un nouvel espace. Comme une immense mécanique spatiale où rien ne s'arrête jamais. Ne s'achève jamais mais change, évolue continuellement.
La Chine serait Souffle, le Japon serait mouvement.
Vu sous cet angle, la lecture devient intelligible pour moi. Si j'accepte cette notion, ces nouvelles trouvent leur rythme, si j'accepte que la roue tourne, tout s'accorde. Je n'abandonne rien, je ne laisse rien, je ne quitte rien, j'avance et je découvre. le fait lui même porte son avenir. Ce qui est , est parce qu'il fut, et parce qu'il fut, il sera.
L'horloge du monde que personne ne peut arrêter.
Je ne sais si cette technique d'analyse est la bonne, mais je sais que c'est en ayant cette notion à l'esprit que j'ai pu entendre tomber, pour la première fois, la neige sur le Mont Fuji.

Astrid Shriqui Garain
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