Citations sur On soupçonne le rabbin (16)
Le Kaddish n’est pas une prière pour les morts, mais une prière pour des vivants. C’est la déclaration manifeste par laquelle celui qui souffre encore de la disparition d’un des siens affirme qu’il garde intacte sa foi en l’Eternel.
"Naturellement, nos croyances ont subi l’influence des peuples parmi lesquels nous vivons. Au cours de notre histoire, le concept d’une survie possible a fait son apparition, mais de façon très particulière : c’est une survie dans nos enfants, dans l’influence qui demeure après notre mort, dans le souvenir que les gens gardent de nous." (10/18 - p.137)
Le rabbin hocha lentement la tête, puis semblant passer à un autre sujet :
- Connaissez-vous notre Talmud ?
- C'est votre livre des lois, n'est-ce pas ? Est-ce que cela aurait un rapport avec notre affaire ?
- On ne peut pas dire que c'est exactement un code. Le Code juif, c'est le Pentateuque. Non, c'est un commentaire de la Loi, du Code. Je ne pense pas que notre affaire en relève, mais on ne peut être sûr du contraire car le Talmud contient à peu près tout. Je ne pensais pas pour l'instant à son contenu, mais à sa méthode d'enseignement.
- Je ne peux pas dire que cela me surprend. Mes conceptions sont celles du judaïsme traditionnel, et si j'ai voulu devenir rabbin, c'était pour mettre mes pas dans ceux de mon père et de mon grand-père, pour mener une vie d'étude, non pas dans ma tour d'ivoire, mais dans une communauté dont je ferais partie et que je chercherais à influencer un tant soit peu. Mais je commence à croire qu'il n'existe pas de place pour moi, ou pour un rabbin de mon type, dans une communauté juive de l'Amérique moderne. Les congrégations voient aujourd'hui dans leur rabbin une sorte de secrétaire général qui organise des clubs, prononce des discours, bref qui insuffle à la synagogue l'esprit d'une Église chrétienne. Peut-être est-ce une bonne chose, peut-être suis-je complètement démodé ? De toute façon, ce n'est pas pour moi. Cette tendance semble insister sur ce qu'il y a de commun entre nous et les autres, tandis que tout le poids de notre tradition veut confirmer notre différence essentielle. Nous ne sommes pas une secte comme les autres : nous sommes une nation de prêtres consacrés à Dieu du fait qu'Il nous a choisis.
Le Talmud a eu une influence prodigieuse sur nous. Nos grands érudits ont consacré leur vie à son étude, non pas à cause du rapport que pouvaient avoir une interprétation exacte de notre Loi et le monde dans lequel ils vivaient, car bien des stipulations sont devenues depuis lettre morte, mais parce que cet exercice mental les a fascinés. Il les dressait à puiser dans leur esprit des idées de toutes sortes...
- Et vous voudriez utiliser cette méthode dans le cas qui nous intéresse ?
- Pourquoi pas ? ..."
Je me rappelle l'un des premiers passages que j'ai étudiés de la sorte : comment estimer les dommages causés par une étincelle qui s'échappe sous le marteau d'un forgeron ? Nous avons passé deux semaines sur ce cas, et nous l'avons quitté à regret, avec le sentiment que nous avions à peine effleuré la question.
Parfois, le professeur s'acharnait à défendre un point de vue, tandis que nous le bombardions de questions, de contradictions. Imaginez un ours harcelé par une meute de chiens aboyants et qui n'en envoie bouler un que pour recevoir le choc d'un autre. Car à peine commencez-vous à discuter que des idées toujours nouvelles se présentent à vous.
Mais lorsque je suis arrivé au Talmud, tout a changé. Imaginez une grande table autour de laquelle prennent place les étudiants. Le professeur préside. En l'occurrence, c'était un homme âgé avec une longue barbe patriarcale. On lisait un passage, une brève stipulation de la Loi. Puis suivaient les objections, les explications, les arguments des anciens rabbins qui se sont efforcés d'interpréter le texte. Et avant même de savoir ce que nous faisions, nous ajoutions les nôtres, oui, nos propres arguments, nos propres objections, des distinctions de coupeur de cheveu en quatre, des tours qu'on eût dit de passe-passe, mais fondés sur une logique irréfutable, ce que nous appelons le "pilpoul".
Lorsque j'ai commencé mes études à l'école religieuse - l'hébreu, la grammaire, la littérature, les Ecritures - je n'ai pas trouvé de différence avec une école ordinaire, c'est-à-dire que nous étions assis à des pupitres et le professeur à sa chaire. Il écrivait au tableau noir, il nous posait des questions, il nous donnait des leçons à apprendre chez nous et nous les faisait réciter en classe. Mais lorsque je suis arrivé au Talmud, tout a changé.
" Retroussant la manche gauche de sa chemise jusqu'à l'aisselle, il plaçait la petite boîte noire qui contient les Écritures contre le haut de son bras - près du coude -, enroulait sept fois la bande au-dessous du coude, puis trois fois pour former sur la main la première lettre du Nom divin, et enfin autour du médius comme un anneau, celui de ses fiançailles spirituelles avec l'Éternel."