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Critique de HADJIAN


Le grand mérite de l'ouvrage est d'opposer une analyse relativement froide aux passions qui animent nombre d'intellectuels français : compassion pour les réprouvés contre dénonciation des religions, et d'abord de l'islam.
En effet les auteurs mettent en relation les transformations du djihadisme international et les évolutions culturelles et politiques des populations issues de l'immigration dite postcoloniale en France. Les auteurs des attentats de 2015 ne tombent pas du ciel ou du Moyen-Orient, ils sont Français, Belges… Gilles Kepel relie cette nouvelle forme de terrorisme et l'Appel à la résistance islamique mondiale d'Abu Musab al-Suri, qui appelle les jeunes musulmans au djihad en Europe. Tour à tour influencé par les Frères musulmans, puis proche de Ben Laden, Suri prône un troisième âge du djihad, celui d'un djihad de proximité, « réticulaire » (organisé de manière horizontale) (p. 52) ; son écho serait important grâce à internet. Les auteurs montrent avec quelle facilité chacun peut accéder à une djihadosphère, sur la toile, qui offre de véritables films de propagande : ainsi la demande de radicalité peut rencontrer l'offre des djihadistes.
Dix années séparent les émeutes de novembre 2005 et les tueries des djihadistes en 2015, dix années qui voient le progrès des « marqueurs de l'islamisation » dans les banlieues (p. 315). Avec le salafisme, progresse la volonté d'une minorité de musulmans de se couper de la société française. Les auteurs consacrent de longs développements à l'évolution politique entre 2005 et 2015 sans apporter beaucoup de neuf, sauf peut-être le rôle – peu connu – du « gazage de la mosquée » dans le déclenchement des émeutes : le 30 octobre 2005 une grenade lacrymogène atterrit à l'entrée d'une mosquée bondée (p. 36-40) ; cet événement suit de 3 jours la mort de deux adolescents et il va relancer les troubles en leur donnant un tour religieux. Mais les émeutes ne débouchent sur aucune forme de représentation politique des jeunes issus de l'immigration. Et certains jeunes en marge de la société, souvent délinquants, radicalisés en prison (comme Nemmouche, Coulibaly, Chérif Kouachi), rêvent d'une vie plus grande qu'eux en partant en Syrie.
On le voit, aux discriminations et au racisme ordinaire, qu'il n'est pas question de nier, s'ajoute un rejet de la société française et de ses valeurs (comme l'égalité hommes/femmes) par une partie des musulmans, les deux réactions se nourrissant l'une l'autre.
En conclusion, mais sans le développer, les auteurs soulignent que la bataille culturelle et politique se déroule parmi les musulmans eux-mêmes. Et, avec eux, on ne peut que regretter, qu'au-delà des pamphlets, l'université et les pouvoirs publics ne consacrent pas plus d'attention et de moyens aux recherches sur le monde arabe et musulman et sur la sociologie des musulmans vivant en France.
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