Peut-être est-ce ce qui rend l’horreur vraiment horrible, en définitive. Savoir que Dieu voit tout et qu’il ne fait rien.
(Masque, p.235)
Les bons ne sont jamais aussi bons qu’on le croit, et les méchants aussi méchants. Loin de là. Certains jours nous sommes tous bons. Et d’autres jours méchants. Telle est l’histoire de ma vie. Telle est l’histoire de la vie de chacun.
(Masque, p.373)
- Et qu'est-ce que vous en pensez, d'être amoureux?
- À mon avis, ça ressemble à une croisière. Ce n'est pas si mal quand on navigue sur une mer calme. Mais quand le temps se met à se gâter, on devient facilement nauséeux. En fait, c'est même étonnant à quel point ça peut se produire vite.
- Vous écrivez un nouveau roman?
- J'écris sans cesse un nouveau roman.
- C'est bien. En Allemagne, il y a toujours de la place pour de nouveaux romans tant qu'on continue à les brûler.
Toutefois, je suis sûr de ceci : ce sont les individus ordinaires comme Fritz Gormann qui commettent les crimes les plus extraordinaires. Ce sont les dames qui jouent un impromptu de Schubert au piano qui versent du poison dans votre thé, les mères dévouées qui étouffent leurs enfants, les employés de banque et els agents d’assurance qui violent et étranglent leurs clients, et les chefs scouts qui massacrent leur famille à coups de hache. Dockers, camionneurs, opérateurs de machines, serveurs, pharmaciens, enseignants. Des gens dignes de confiance. Des personnes tranquilles. Des pères et maris aimants. Des piliers de la communauté. Ces citoyens respectables. Voilà nos meurtriers modernes.
Le crime ne semble plus aussi important quand il s'en commet à tire-larigot un peu partout.
Je voudrais simplement un avis quant au danger que je cours en allant là-bas. Je n’aime pas beaucoup risquer mon cou à moins d’y être forcé. Compte tenu du fait que ma tête est fixée dessus. Ce qui est indispensable pour saluer.
Peut-être les hommes étaient-ils tous coupables, d’une manière ou d’une autre. Les Belges avaient commis des horreurs au Congo, tout comme les Britanniques en Inde et en Australie. Les Espagnols n’avaient pas à être fiers de la façon dont ils avaient dévasté l’Amérique du Sud. Les Arméniens pardonneraient-ils jamais aux Turcs ? Et les Russes, eh bien, on ne pouvait guère les laisser en dehors de l’équation du mal non plus. Combien de millions d’exécutions Lénine et Staline avaient-ils ordonnées ? J’en avais eu la preuve sous les yeux à Katyn. Les Allemands étaient-ils si différents des autres ? Et serait-ce une excuse suffisante ? Seul le temps le dirait. À l’avenir, les morts parleraient depuis le passé de ce qui s’accomplissait ici dans le présent.
— Vous écrivez un nouveau roman ?
— J’écris sans cesse un nouveau roman.
— C’est bien. En Allemagne, il y a toujours de la place pour de nouveaux romans tant qu’on continue à les brûler. »
J'avais été autrefois un bon flic à la Kripo, mais c'était il y a longtemps, avant que les criminels ne s'affublent d'élégants uniformes gris et que les prisons ne regorgent d'innocents. Etre flic en 1942, c'était un peu comme installer des souricières dans une cage remplie de tigres.