J'ai acheté (et lu) "
Bleu de Prusse" parce que j'aimais bien la série des Bernhard Gunther. Je suppose que le côté attachant du héros explique le succès du roman ainsi qu'une certaine indulgence (que je partage). Mon sentiment est que le roman est un peu décevant même s'il n'est pas désagréable en soi.
Pour résumer, le roman débute en 1956. Bernie est alors poursuivi par la Stasi et on suit sa cavale de la Côte d'Azur jusqu'en Allemagne. Par ailleurs, on suit une enquête policière intervenant en 1939 au Nid d'Aigle de Hitler à Bertschesgaden. Les intrigues parallèles mettent bien en exergue le double intérêt de Kerr pour le polar et le roman d'espionnage. Toutefois, ce qui avait bien marché dans "
Une douce flamme" (l'imbrication du passé dans le présent) échoue en ce qui concerne "
Bleu de Prusse".
Pourquoi donc ? On ne comprend pas réellement le lien entre les deux évènements (ou en tout cas la relation demeure très vague). Et du coup, les aller-retours entre passé et présent cassent le récit de façon injustifiée.
Malgré son invraisemblance, il s'agit d'un choix respectable de l'auteur mais qui est desservi par une narration inégale. Autant j'ai apprécié le récit de la fuite de Bernie en 1956, plutôt dynamique malgré deux-trois critiqu
es, autant l'enquête policière de 1939 manque de rythme et de réelle complexité. Bien qu'on comprenne rapidement les tenants et les aboutissants, l'intrigue ne semble pas vraiment avancer.
En vrac :
-Pour compenser (étaler ?) L'auteur fait intervenir une foule de personnages et une liste d'évènements dont on se demande ce qu'ils apportent réellement.
-Les deux derniers chapitres de 1939 sont clairement bâclés et demeurent peu clairs (malgré relecture).
-La narration est alourdie par l'abus de figure de style (qui est une des caractéristiques de l'auteur soit dit en passant).
Vous l'aurez compris... de mon point de vue, 1956 sauve donc 1939 si je puis dire...
Plus largement "
Bleu de Prusse" met en évidence les limites de la série des "Bernie Gunther". C'est bien de vouloir camper des enquêtes policières dans un contexte historique. Encore faut-il que l'intrigue policière soit réussie (par ses enjeux ou son dynamisme). Or depuis "
Hôtel Adlon", le contexte et la personnalité du héros prennent le pas sur l'intrigue proprement dite... qui passe au second-plan. Dans "
Bleu de Prusse", cette limite devient évidente.
Mais sinon ça se lit.