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Critique de Latias


"The Nazi Dictatorship, Problems and Perspectives of Interpretation" a été écrit par Ian Kershaw en 1985. La dernière édition française, qui suit la troisième édition anglaise de 1993, date de 1997.
Il faut être attentif au sous-titre "Problèmes et perspectives d'interprétation", l'ouvrage a pour ambition de contribuer à la compréhension du nazisme mais l'auteur in fine admet qu'il reste à élucider le mécanisme d'un tel "effondrement de civilisation", aussi brutal et sans aucun précédent, dans un pays industrialisé, moderne et hautement développé.
Le grand mérite de Ian Kershaw, outre la connaissance approfondie qu'il a de son sujet, est d'exposer les thèses en présence avant de présenter sa synthèse personnelle, argumentée, nuancée et souvent convaincante.
En revanche, bien évidemment, l'ouvrage ne traite pas des thèses qui ont été émises depuis un quart de siècle.

Beaucoup d'auteurs ont voulu répondre à la question : "Qu'est-ce que le nazisme". Et certaines thèses diffèrent du tout au tout. Ceci s'explique par le fait que les archives sont très lacunaires : beaucoup ont été détruites lors de l'effondrement du régime et, par ailleurs, Hitler engageait des actions plus en approuvant verbalement les propositions de ceux à qui il donnait audience qu'en décidant au cours de comités réguliers.
La diversité des thèses s'explique aussi par une vision différente de l'histoire selon les écoles (primauté donnée à la volonté des acteurs, primauté donnée au contexte et aux "structures",...).
Mais cette diversité s'explique surtout par le fait qu'il est difficile d'écrire sur la monstruosité nazie en échappant à la tentation d'en désigner les responsables ultimes. Or, comme Ian Kershaw, le fait remarquer chercher les responsabilités détourne l'historien de la question à laquelle il doit répondre : comment les choses ont-elles pu se produire ?

Les analyses présentées donnent les premiers rôles à Hitler, au bloc nazi (le parti et l'appareil SS-Police-SD) et au patronat des grandes entreprises.
Est-ce que "l'effroyable histoire du IIIème Reich s'explique d'abord et avant tout par la personnalité, l'idéologie et la volonté d'Hitler" ou ce dernier ne fut-il pas "le "prisonnier" (consentant) de forces dont il fut l'instrument plutôt que l'initiateur" ?
Quelle est la part prise par Hitler dans l'élaboration de la politique intérieure, de la politique anti-juive et de la politique étrangère du IIIème Reich ?
Quel rôle a-t-il joué dans le processus qui a conduit à l'"holocauste".
Hitler avait-il un programme arrêté de longue date ou n'était-il "qu"un opportuniste assoiffé de pouvoir et dépourvu de principes" ?
N'était-il pas seulement celui qui avalisait le résultat des luttes qui agitaient le bloc nazi, plutôt que celui qui en élaborait la politique, l'autorité symbolique du Fürher jouant un rôle plus important que la volonté politique de l'homme Hitler ? ?
Y avait-il simple convergence d'intérêts entre le patronat et le régime, avec une sorte de pacte implicite ou, au contraire, des objectifs communs ? Dans ce cas, la primauté était-elle donnée à l'économie ou à la politique ou n'est-ce pas simplifier outrageusement que de poser une telle question ?

L'ouvrage aborde ensuite les efforts faits, notamment par des historiens allemands, pour que le nazisme ne soit plus comme une parenthèse dans l'histoire allemande.
Qu'est-ce qui, dans les structures sociales et politiques, relie l'Empire de Bismarck à celui du Kaiser, et ce dernier au Reich hitlérien ?
Le nazisme a-t-il engendré une révolution sociale ?
Aurait-il même été, à son corps défendant, à l'origine d'une "révolution de la modernité", ouvrant la voie à la société démocratique et libérale de l'Allemagne de l'Ouest d'après-guerre ?

Dans la fin de l'ouvrage, Ian Kershaw décrit -- et condamne, cf les citations que j'en fait -- les efforts d'"historicisation" du nazisme. Il expose notamment les réflexions d'ordre politique échangées par de grands historiens "sur la façon dont un pays stable, propère et hautement développé doit vivre avec son passé nazi", tout en faisant observer que dans ce débat "où s'affrontent options politiques, jugements de valeur et inclinations personnnelles, l'historien ne jouit d'aucune compétence ni privilège particuliers."
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