AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de latina


Effroyablement efficace.

L'auteur, hongrois, a voulu raconter son pays sous la tyrannie, mais « comment, dans une dictature arrivée au pouvoir par des voies illégales, publier au nez et à la barbe de la censure une histoire qui parle des moyens illégaux de s'emparer du pouvoir ? » Tout simplement en transposant les faits en Amérique du Sud.

Et ces faits, qu'ils soient de n'importe où, d'ailleurs, sont glaçants. Tout l'appareillage du Pouvoir est décrit, sans aucun détail racoleur. C'est cela justement qui donne froid dans le dos : le ton candide du narrateur (un des policiers préposés à la question) qui a d'effroyables migraines lorsqu'il doit interroger les suspects. le narrateur est considéré comme le « bleu » par son chef et par le bourreau. Et il ne se rend pas totalement compte de l'effroyable efficacité de ce petit bureau aux ordres du Colonel.
« C'était une conversation à deux, moi, ils ne me demandaient plus rien. Je restais donc assis à les écouter. J'avais mal à la tête, terriblement mal. Peut-être que ça se voyait.
- Il va se sauver, dit Rodriguez d'un ton soucieux.
- Où ça ? demande Diaz.
- Qu'est-ce que j'en sais ? Ces gens-là ont toujours un endroit où aller, rétorque Rodriguez nerveusement. Il va se sauver au dernier moment. le sale bourgeois.
- Nous ne combattons pas expressément le capitalisme, lui rappelle Diaz.
- Ca m'est égal, dit Rodriguez, les yeux brillants. Bourgeois, juifs, sauveurs du monde, tout ça, c'est pareil. Tout ce qui les intéresse, c'est de semer le trouble.
- Et toi, demande alors Diaz, tu veux quoi, mon brave Rodriguez ?
- L'ordre. Mais mon ordre à moi ! »

Mais c'est ce petit bleu qui va être considéré comme le responsable, qui va porter le chapeau d'une effroyable erreur : le cas « Salinas ». En prison, il va écrire, ou plutôt décomposer le cas « Salinas », du nom d'un jeune homme idéaliste et emprisonné, en s'aidant du journal intime de celui-ci, pour essayer enfin de comprendre…

Ce jeune Salinas, idéaliste, parce qu'il résume à lui tout seul toute l'opposition au Pouvoir, a été exécuté avant même d'avoir commis toute action subversive. Et ce qu'il dit dans son journal est effroyablement juste :
« Plutôt ne pas vivre que vivre de la sorte. Je lui parle de ma nausée, je lui parle de mon dégoût quotidien. Je lui dis que je déteste tout autour de moi, tout. Je déteste leurs policiers, leurs journaux, leurs informations. Je déteste ces regards sournois autour de moi, ces hommes qu'on fête aujourd'hui et qu'on méprisait hier. Je déteste la résignation, l'avidité, cet éternel jeu de cache-cache, de qui est qui, les privilèges et les gens qui s'écrasent…Je déteste la cécité, les faux espoirs, la vie végétative, les esclaves qui soupirent de bonheur pour peu que le fouet les épargne pendant une journée…Et je lui dis aussi que je me déteste moi-même, avant tout, seulement parce que je suis là et que je ne fais rien. Que je sais bien que je suis moi aussi un esclave, du moins pour l'instant, mais que je le serai de plus en plus si je ne fais rien. »

Petit roman qui donne froid dans le dos ! Effroyable. Efficace.
Commenter  J’apprécie          251



Ont apprécié cette critique (21)voir plus




{* *}