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Critique de Kirzy


J'ai refermé ce roman emplie d'émotions. La belle surprise de la postface fut de découvrir que les personnages principaux, les soeurs Sarah et Angelina Grimké, ont réellement existé. Des pionnières, militantes féministes et abolitionnistes de la première moitié du XIXème siècle, les femmes les plus célèbres et honnies des Etats-Unis. Leur pamphlet American slavery as it is, qui promeut non seulement l'émancipation immédiate des esclaves et l'égalité raciale ( point de vue radical et rare même chez les abolitionnistes ) a même inspiré Harriet Beecher Stowe pour La Case de l'oncle Tom.

L' intrigue est d'une grande force et promesse de romanesque. Sue Monk Kidd a choisi de centrer sa narration sur Sarah, l'aînée. Née à Charleston, Caroline du Sud, au sein d'une puissante et riche famille de l'aristocratie terrienne, dans un monde où posséder un esclave est aussi naturel que respirer. Sur une trentaine d'années, on suit sa longue métamorphose pour rompre avec sa famille, sa religion, sa terre natale, les injonctions sociales faites aux femmes de son milieu, jusqu'à devenir une paria et s'assumer comme telle.

Le piège avec ce genre de récit est soit de tomber dans le pathos larmoyant, facile, soit dans le récit sentencieux comme un catalogue de faits historiques édifiants. L'auteure ne tombe dans aucun de ces écueils car elle prend le parti de tirer du vaste matériel biographique qu'elle a récolte une histoire impressionniste, interprétant la voix et la vie intérieure d'une femme exceptionnelle.

Elle a inventé un magnifique personnage, celui de Handful, esclave offerte à Sarah pour ses dix ans, emballée dans des rubans violet. Leurs destins sont liés sur la trentaine d'années que couvrent le roman, chacune à la recherche de la liberté, ce qui rend très lisible le parallèle entre la lutte pour égalité raciale et celle pour l'égalité entre les sexes. Comment s'inventer des ailes en se servant des obstacles à surmonter ?

Une amitié fulgurante entre la petite blanche riche et l'esclave élevée par une mère rebelle n'aurait pas été crédible étant donné la dissymétrie des statuts et des vécus. L'auteure préfère proposer quelque chose de beaucoup plus subtil, une amitié qui se construit, parfois dans le malaise ou le ressentiment, sur la compréhension commune des épreuves traversées par l'autre, par les rebellions du quotidien. Les chapitres alternent à la première personne le vécu et le ressenti de chacune, éclairant souvent ce que l'autre a pensé précédemment, complétant et ajustant. Cette juxtaposition de leurs expériences d'oppression est très fort.

J'ai vibré au rythme de leurs espoirs écrasés, de leur solitude, de leurs douleurs à se construire en femmes libres au-delà des limites de leur sexe et de leur couleur de peau. Ce roman éclairant et profondément incarné résonne de mille petits combats individuels qui prennent une dimension universelle et ne peuvent laisser quiconque indifférents. Si l'écriture est fluide et fine pour transmettre les sensations et émotions, elle reste classique, un peu fade, en retrait par rapport à la force du récit, ce qui ne permet pas à ce très beau roman de se hisser à la hauteur de ceux de Tony Morrison, par exemple. Il manque un peu de rage ou de poésie à ses mots.
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