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Critique de domi_troizarsouilles


Après plus de 30 ans de refus de lire Stephen King à cause d'une première expérience malheureuse, puis la lecture beaucoup plus récente de @22/11/63 qui m'avait réconciliée avec l'auteur, c'est une autre lecture commune qui me replonge dans ce livre.
Il faut dire : il fallait être vraiment aveugle pour louper ce livre, tant sa sortie en poche il y a quelques semaines a fait l'objet d'un véritable matraquage publicitaire. Dans les quelques librairies de Bruxelles que je fréquente plus ou moins assidument, on ne pouvait pas passer à côté, quel que soit le rayon vers lequel on se dirigeait réellement. Et c'est là qu'on voit, avant même d'avoir ouvert la première page, qu'on se fera avoir, d'une façon ou d'une autre : quoi qu'on en pense, on sait qu'on va accepter de jouer le jeu, on va même probablement le lire jusqu'au bout… parce que c'est Stephen King et ce nom seul suffit, semble-t-il. C'est quand même hallucinant : à ce jour, on compte 321 notes sur Livraddict (dont 56 commentaires), 1.043 sur Babelio (dont 295 commentaires), ou encore 1.140 évaluations sur Amazon. Ce n'est certes pas un record, j'ai vu çà et là certains livres qui font beaucoup « mieux » (si tant est que c'est un mieux d'être tellement lu et commenté ; pour certains concernés, moi j'ai été très déçue, mais c'est une autre histoire), mais c'est tout de même pas mal pour un livre qui est sorti en français il n'y a pas deux ans et, comme je disais plus haut, est apparu en poche seulement fin août !

Cela dit, contrairement à beaucoup d'autres critiques que j'ai survolées, je suis bien incapable de comparer à un quelconque « autre King », vu que j'en ai lu un seul autre dans un passé raisonnable, ça ne suffit pas pour avoir une vision éclairée de ce que peut faire cet auteur – et mes lectures datant de l'adolescence ne comptent décidément pas.
Il n'en reste pas moins que je suis un peu perplexe sur le succès phénoménal que peut avoir cet auteur – et ce livre en particulier.

Ici, on commence par faire la connaissance d'un certain Tim : ancien policier qui, à la suite d'un imbroglio dans l'exercice de ses fonctions, a préféré une certaine fuite plutôt que le déshonneur et a donc démissionné. Il a pour vague objectif d'aller se perdre dans l'immensité de New York, mais de hasard en opportunité, il prend un tout autre chemin et finit par errer presque comme un vagabond. On s'attache assez vite à lui car, malgré son manque d'allure, c'est un type sympa qui aide la vieille bibliothécaire sur la route, qui ne crache pas pour un billet de 10 dollars mais ne le demande pas, pas plus qu'il ne le refuse quand on le lui donne. Ses pas finissent par le porter jusqu'à une bourgade perdue en Caroline du Nord…
Mais voilà : on a à peine eu le temps de s'habituer avec lui à sa nouvelle vie incroyablement tranquille que, paf, sans aucune transition, on le quitte sans un adieu et on se retrouve avec Luke, jeune garçon de 12 ans exceptionnellement surdoué : il vient d'être accepté dans deux universités pour deux filières différentes – on est donc loin d'un simple HP, tellement « à la mode » par chez nous, au point d'en faire un concept galvaudé ; je ne sais pas ce qu'il en est aux États-Unis, mais d'emblée Luke est convaincant dans ce rôle de petit génie, tout en montrant encore des côtés très enfantins, à peine dignes d'un préado. Peu après ces premières pages où on le rencontre, scène presque idyllique, on le voit enlevé à ses parents (qui seront tués) en pleine nuit, pour être emmené à cet « Institut » dont on ne sait rien, dont on ne comprend rien, mais dont on découvre toute l'horreur aux côtés de Luke.
Et ce n'est pas une horreur fantomatique à faire hurler dans les chaumières ou à se retourner la nuit, c'est bien plus terrible et cruel que ça : ça parle de maltraitance faite à des enfants, ici dans un but soi-disant scientifique, mais on ne sait rien, on ne comprend rien, si ce n'est que les enfants ne sont pas considérés comme… des enfants, mais comme des cobayes, et tout est permis pour que les « scientifiques » arrivent à leurs fins. Et quand je dis « tout est permis », c'est un euphémisme : Stephen King nous laisse certes dans un flou certain à propos des visées réelles de cet Institut, mais il détaille sans retenue ce qui est infligé aux enfants, et par moments c'est tout simplement intenable ! Seulement voilà : Luke est incroyablement intelligent, ce sur quoi les recherches de ces pseudo-scientifiques ne portent absolument pas, au point qu'ils ont omis de tenir compte de cette facette du gamin…

Les tenants et aboutissants de cet Institut seront divulgués au fil des pages mais bien lentement, puis expliqués, même « justifiés » en quelque sorte, tout à la fin en long et en large, donc je ne vais pas en dire plus au risque de divulgâcher, mais une chose est certaine : le postulat de base sur lequel repose tout le livre est complètement délirant, assorti d'une petite touche pseudo-fantastique qui le rend encore moins crédible, et ne parlons pas des incohérences qui permettent de faire avancer l'histoire, mais qui posent question une fois qu'on l'a terminé et qu'on réexamine l'ensemble.
La plus grosse est indéniable : Stephen King insiste tant sur l'intelligence exceptionnelle de Luke… mais bizarrement, ces gens de l'Institut, qui « brillent » certes bien davantage par leur perversité que par leur sagacité, n'en ont tenu aucun compte… et puis paf ils s'en rappellent, mais évidemment trop tard, et alors tout est mis en branle pour tenter de comprendre comment ce jeune cerveau surdoué a bien pu réfléchir – et évidemment ils trouvent comme par miracle. Sérieusement ?...

Mais c'est un fait, comme je le disais dès le début de ce commentaire : c'est Stephen King alors on accepte, même si, à la réflexion, il faut bien reconnaître que, venant d'un auteur moins célébré, ça ne serait pas passé aussi facilement ; si on avait trouvé de telles erreurs dans le premier roman d'un illustre inconnu, ce dernier aurait été crucifié au ban des mauvais auteurs !
Par ailleurs, décidément j'ai eu du mal à accrocher à ce livre ! le début, qui portait uniquement sur Tim, était sympathique, mais je garde le sentiment que King présente ses personnages avec un certain détachement – clairement il veut que le lecteur s'y attache et il fait en sorte que ce soit le cas, mais on est quand même loin d'une véritable émotion, ça reste un attachement basé sur une forme de raison, d'acceptation d'un brave type dans notre univers, mais rien de plus, on n'ira pas boire un café avec lui !
Et puis on passe à Luke et, après quelques pages, à cet Institut… Tout ce mystère, qui ne se soulève que trèèèèèèèèès lentement, puis l'avancée pas à pas dans un monde de réelle maltraitance physique et psychologique, c'est glauque, mais surtout ça n'avance pas ! et, malgré tout, l'émotion n'est toujours pas là ! Comment dire ? J'ai lu d'autres livres (d'autres auteurs) qui parlaient de mauvais traitements –contre des adultes, des enfants ou des animaux, peu importe – et qui me donnaient vraiment la nausée et/ou me faisaient pleurer des litres. Ici, c'est extrêmement dérangeant, mais les émotions restent tapies malgré tout, perdues dans cette impression malheureuse et bien plus prégnante d'interminable longueur. Au risque de me répéter : j'ai continué parce que c'est King, et parce que c'était une lecture commune… mais jusqu'à 40% du livre environ, et malgré ces scènes dérangeantes qui ne laissent pas indifférent, malgré tout, qu'est-ce que je me suis ennuyée !
Et puis ouf, d'un seul coup ça bouge (beaucoup) ; on entre davantage dans l'improbable, mais surtout dans une action clairement cinématographique, et on se laisse prendre (même si on repassera pour la crédibilité). C'est un peu comme si on regarderait un film d'action sans intérêt réel, mais aux prises de vue suffisamment spectaculaires pour qu'on n'ait pas envie de zapper, et avec quelques scènes vaguement touchantes… et puis on pousse presque un soupir de soulagement quand c'est fini, et on passe à autre chose… Oui : l'écriture devient alors très visuelle, on sent que l'auteur a désormais l'habitude de voir ses livres traduits en films, il connaît les codes et ici il anticipe même. On est dans du lourd, toujours aussi peu crédible à vrai dire, mais malgré tout « ça marche », et tout à coup on tourne les pages avec une certaine impatience – après tout, il faut bien contrebalancer un tant soit peu l'ennui du début !

De façon générale, ce livre ne m'aura donc réellement pas embarquée ! L'écriture de Stephen King reste trop détachée à mon goût pour susciter de réelles émotions, même s'il y a bel et bien un certain attachement aux personnages. L'histoire, évoluant d'une description atroce de maltraitance sur des enfants, à une précipitation des événements mise en scène façon film d'action à gros budget, fait passer en parallèle d'un pur ennui à un presque page-turner, mais ce n'est jamais tout à fait crédible. Ainsi donc, si je me suis laissé accrocher à ce livre à partir de la moitié à peu près, je n'en garderai pas un souvenir mémorable, et c'est aujourd'hui l'impression initiale d'ennui qui prédomine.
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