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Critique de Merik


Merik
02 novembre 2018
Connaître et siffler les mots des serpents qui assujettissent les loups, les ours ou les élans, qui font des reptiles ses amis, en voilà un don linguistique ancestral qui facilite la vie sylvestre et mérite la transmission culturelle. Pourtant la forêt se déserte d'humains au profit des villages, où la modernité fanfaronne avec des faucilles, du pain ou des rouets, où Jésus-Christ est le must de la tendance branchée : «  Papa est d'une autre génération, les trucs des jeunes, ça le dépasse. C'est comme ça, il a fait son temps. Qu'est-ce qu'on pense de Jésus par chez nous ? Moi, je l'adore. J'ai son image au-dessus de mon lit. »
L'on est quelque part en Estonie, quelque part dans un monde médiéval en trompe-l'oeil de fable romanesque. Il y a Leemet le narrateur comme le dernier des Mohicans, l'on croise sur son chemin des anthropopithèques des cavernes un brin nostalgiques, un sage des esprits et des ondins pour le moins sanguinaire, un traditionaliste obscur aux contours à peine cachés de nationalisme. L'on rigole d'amours tendres et délicieux entre ours libidineux et filles nubiles, l'on médite sur les sirènes de la modernité et le poids des coutumes, l'on découvre le temps sacré de la Salamandre qui savait bouter hors de la forêt les hommes de fer. Et l'on frémit aux chocs des civilisations et son déchaînement de violence. Et puis « il n'y a plus personne dans la forêt ».

J'ai dévoré ce roman culte (450 pages) venant d'Estonie. Une sorte de mise en abyme de mondes qui disparaissent, avec une ironie mordante à nous montrer l'ancien comme nouveau, aux accents mirobolants teintés d'anachronisme, d'absurde, de drôlerie et de méditation sous-jacente sur la culture, la différence, le poids des traditions et l'attrait du moderne.
J'ai ri (beaucoup, surtout dans la première moitié), j'ai pas dormi, j'ai empathi (même avec un serpent), j'ai frémi. Et puis je l'ai fini (avec regrets).



« 

« Je l'ai rencontré dans la forêt. On ne se connait pas vraiment, on s'est vus qu'une fois ou deux. Je t'en prie maman, ne commence pas ! Je sais que tu ne supportes pas les ours, mais lui il est tout gentil, et puis il n'y a rien de sérieux entre nous, on se dit juste bonjour quand on se rencontre. »
« Salme, à ton âge on ne fréquente pas les ours ! » dit maman en tombant assise, l'air épouvanté, comme si un éclair venait de foudroyer le toit de notre cabane et de mettre le feu à son ménage.
« Il n'y a rien entre nous ! », répliqua Salme. « Tu entends ? On se dit juste bonjour. »
….
« Salme, les ours ça ne pense qu'à une chose ! »
« Ah oui, et à quoi ? »
« Tu le sais très bien ! Je t'interdis, tu m'entends, je t'interdis de revoir cet ours ! Ils sont beaux gosses et costauds, mais ils n'amènent que du malheur. »

 »
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