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Critique de Sofiert




Bienvenue à Quality Land ou Prisonnier d'un monde parfait.
Dans cette satire farfelue et plutôt drôle, voici quelques exemples de ce qui est désormais possible dans un monde gouverné par les algorithmes.
- Plus besoin de perdre du temps à faire des commandes, l'appli The Shop sait ce dont vous avez besoin et vous livre avant même que vous ne formuliez vos envies.
- Il est interdit de réparer un objet usagé. Il est immédiatement remplacé par un nouveau modèle.
- Les poubelles se déplacent elles-mêmes pour recueillir vos déchets.
- La main-d'oeuvre humaine coûte moins cher que celle des androïdes
- Les habitants sont classés par niveaux de 1 à 100. En-dessous de 10, ils appartiennent à la catégorie des Inutiles.
- Les cours d'histoire sont remplacés par des cours d'avenir.
- Les romans sont écrits par des androïdes qui réécrivent les classiques de la littérature en les personnalisant pour chaque lecteur.
- Grâce à l'appli Quality Partner, on trouve le partenaire optimal pour une période donnée. On peut à tout moment réactualiser la demande.
- Lors d'une échographie on découvre l'avenir probable de son bébé. On peut accroître ses chances en achetant une optimisation.

Le roman a été écrit en 2017 et déjà certaines des propositions de Kling apparaissent de plus en plus crédibles.
Pas question de se croire dans le meilleur des mondes, malgré les encarts publicitaires et les articles de presse qui se glissent dans le roman pour faire l'apologie de cette société de consommation. Sans surprise la notation attribuée aux citoyens renforce les statuts sociaux et exacerbe les inégalités. D'autant plus que le nom de famille de chaque enfant qui naît correspond au métier du père pour un garçon, à celui de la mère pour une fille. Parfait exemple du déterminisme social !

« Même les habitants de Quality Land ont changé de nom. Car ils ne sont pas censés être des individus standard, mais des personnes de qualité. Leurs patronymes, notamment, rappelaient trop le Moyen Âge et ne correspondaient plus du tout à la nouvelle identité d'un pays tourné vers le progrès. Un pays fourmillant de Müller, Schneider et autre Wagner n'avait pas de quoi faire bander un investisseur high-tech. L'agence publicitaire décida donc que chaque garçon aurait désormais pour nom de famille le métier de son père et chaque fille, celui de sa mère. La profession prise en compte étant celle qu'on exerçait au moment de la procréation. »

Alors que l'élection à la présidence va opposer un humain populiste et un androïde humaniste, l'auteur se livre à la caricature des discours politiciens tels qu'on les connaît.
" Je ne connais personne au monde de moins raciste que moi. Personne. Mais on ne va quand même pas m'interdire d'affirmer que tous les Méditerranéens sont des fainéants, tous les nègres des criminels, et tous les Arabes des terroristes. Ce sont des faits. Pourtant, je tiens à le répéter : il n'y a jamais eu dans l'histoire de l'humanité, d'homme moins raciste que moi. "
Alors certes, la caricature est facile avec son air de déjà vu, mais elle reste drôle.

Et puis, il y a cette part de théâtre de l'absurde, qui montre un individu englué dans l' absurdité du monde.
Peter chômeur a reçu un sex-toy rose en forme de dauphin dont il n'a pas l'usage. Il veut le retourner au service après-vente mais se retrouve ballotté de correspondant en correspondant sans pouvoir rendre l'article.
Il choisit la voie de l'homme révolté et tente inlassablement de retrouver son indépendance et son libre-arbitre dans une société qui décide à sa place.
" Peut-on vraiment être libre lorsque tout est mesuré et déterminé ?"

En utilisant l'arme de la satire, même si elle est parfois un peu facile, l'auteur nous alerte contre notre passivité à l'égard de l'intelligence artificielle dont on espère qu'elle réglera tous nos problèmes : santé, économie, bien-être, relations amoureuses..
On peut même effacer un passé tragique et réécrire L Histoire en transformant les pages les plus sombres en comédie musicale. Ainsi l'annonce plutôt cynique d'un spectacle tous publics : Hitler, la comédie musicale. L'histoire d'Ado et d'Eva, une histoire d'amour. Par les auteurs de Mussolini in love.


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