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Critique de Chestakova


Dans sa rubrique « Disparitions » le journal le Monde a publié le 10 octobre 2020, un portrait de Ruth Klüger, universitaire et écrivaine américaine, spécialiste de la littérature allemande, née en 1931 à Vienne, d'où elle fut déportée douze ans plus tard, à Theresienstadt, Auschwitz-Birkenau, Christianstadt.
Le livre, rédigé en Allemand, est publié au début des années 90 en Allemagne, en 2001 à New York, elle l'écrit en 1988 alors qu'un accident grave la prive de tout mouvement et qu'elle se retrouve face à ses souvenirs. le titre « refus de témoigner » est emprunté à un poème qu'elle transcrit à la fin de son récit, un poème datant des années soixante, rédigé au moment de son premier ou deuxième retour en Allemagne. Ce titre a été choisi par son éditrice en France plutôt que la traduction littérale du titre anglais ou allemand : « Still alive » et « Weiter leben » qui évoquent effectivement l'un et l'autre, la vie qui continue après les camps. Ces titres peuvent paraître plus convenus que le titre français, en fait ils sont plus explicites sur l'intention de l'auteur. Elle livre en effet dans son livre, un travail de réflexion remarquable sur ce qu'est la mémoire, la mémoire de l'holocauste. Elle s'insurge en particulier sur le voyeurisme auquel la mémoire de celui qui témoigne s'expose, dans une sorte d'effet « kitsch » où l'auditeur ou le spectateur regardent uniquement la victime comme un objet de souffrance, lui déniant ainsi toute vie postérieure aux camps, et se positionnant plus dans la contemplation de son propre sentiment de compassion, que devant l'examen d'une réalité. Elle fustige ainsi la culture muséale qui entoure les camps et parle d'une « usurpation de la mémoire ». Elle ne confisque pas toutefois cette mémoire, au contraire, elle en fait un élément patrimonial universel, ce qui la conduit à justifier les oeuvres littéraires et artistiques qui s'en réclament, et qui pour elle, doivent être regardées comme des créations artistiques. Elle légitime ainsi aussi bien Spielberg que Lanzmann et fustige les propos d'Adorno.
Quatre parties structurent le livre, portant les noms géographiques des lieux qui ont jalonné sa route, de Vienne à New York, en passant par les camps. L'Épilogue, s'articule autour de son accident à Göttingen en 1988, il est suivi d'un chapitre ajouté au livre au moment de sa parution en édition de poche : « La mémoire dévoyée : kitsch et camps »
Un livre d'une portée philosophique remarquable.



Lien : https://www.lemonde.fr/dispa..
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