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EAN : 9782878582178
333 pages
Viviane Hamy (12/12/2005)
4.19/5   45 notes
Résumé :
Il est difficile de dire "l'indocilité" du récit dont Ruth Klüger nous fait ici le magnifique et abrupt présent.
" Refus de témoigner n'est pas un livre de plus dans la littérature consacrée à la Shoah. Monument littéraire qui prend l'histoire à contre-pied, le livre de Ruth Klüger pourrait bien être le pendant du Si c'est un homme de Primo Levi. " Marc Weitzmann, Les Inrockuptibles. " Chaque page de ce livre admirable contient des phrases que l'on a envie de... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Ruth Kruger nous livre ici ses souvenirs d'enfance. Enfant autrichienne juive, elle a été déportée dans différents camps et nous livre ici son ressenti.
Ce n'est pas vraiment un témoignage, c'est une biographie et il s'agit surtout ici de sa propre analyse sur son passé, sur son enfance, sur sa vie personnelle qui a découlé de cette enfance vécue, sur ses relations avec sa mère et sa famille.
Au niveau de l'écriture, l'auteur n'est pas toujours facile à suivre. Une femme qui est constamment dans l'analyse, et cela se perçoit dans l'écriture.
Livre intéressant, différent des autres témoignages. D'une part car il s'agit vraiment d'une enfant à l'époque de la guerre (12 ans), de langue germanique et étant en Autriche au moment de la guerre (donc presque à l'épicentre des évènements de l'époque), livre écrit en langue allemande quelques décennies après la fin de la guerre, ce qui apporte un recul analytique à l'auteur. Elle décortique ses émotions, ses ressentis, les actes. Etrangement, cette analyse apporte une certaine froideur à son témoignage.
Un autre regard sur cette époque.
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"Refus de témoigner " ou "Re-vivre" , selon le titre de parution en allemand :

Peu importe finalement , le résultat est là : une oeuvre essentielle dans le non-devoir de mémoire et le non-devoir d'oubli .

Ruth Kluger va bien plus loin ,loin de toutes formes de "devoir" pour cette femme résolument affranchie , sa démarche personnelle consiste à s'écarter de ses deux chemins de reconstruction pour faire revivre la petite fille qui vécut toutes ces années dans différents camps de concentration , au regard de ce qu'elle est devenue 40 ans plus tard , dans une tonalité tonique et constructive .

Alors oui elle raconte , sa vie de petite fille juive en Autriche , Et Ruth n'a jamais été tendre , ni enfant , ni aujourd'hui : elle ne s'apesantit pas sur des faits et l'atrocité dont elle fut témoin , victime , elle ne s'attendrit pas sur les souvenirs de son père disparu le premier dans sa famille :
Citation :

C'est la dernière impression que mon père m'ait laissée : la frayeur , la violence et un sentiment d'injustice et d'humiliation .Les sentiments ainsi nourris sont impossibles à corriger .Est-ce que peut-être je lui en veus de sa mort parce que l'enfant battue n'eut plus l'occasion e se réconcilier avec lui ? Comme si sa vie inachevée n'avait eu d'autres sens que d'écouter mes pleurnicheries d'enfant de huit ans , ou de recevoir mes excuses et mes explications ultérieures .


Sous une plume délicieusement caustique , elle raconte sa vie de famille avec une mère qu'elle qualifie de névrosée , sans rancoeur ni animosité particulière , qu'elle aimait et qu'elle aime sans aucune forme de procès rétroactif mais sans pour autant passer sous silence les failles de celle-ci !

Elle raconte la montée du nazisme et les premiers changements qu'elle vécut à ce moment-là avec déjà la conscience de la gravité du moment sans toutefois rentrer dans le pathos et l'affect , mais avec un regard violemment dérangeant .Le choix de ses souvenirs portent en eux une forme d'insolence dont l'impact sur le lecteur est inattendu : comment ne pas prolonger plus loin la réflexion après une narration faussement anecdotique telle que ci :
Citation :

Le directeur vint en personne dans la classe pour nous expliquer le salut hitlérien .Il montra comment faire et la classe l'imita , sauf les enfants juifs qui dorénavant devraient se mettre au fond et ne pas saluer comme ça .Le directeur était gentil , l'institutrice embarrassée, si bien qu'avec un optimisme indefectible je me demandai s'il fallait prendre ce traitement d'exception comme une distinction honorifique ou une dégradation .Car enfin les grandes personnes savaient bien que notre pays avaient été envahi.Tout le monde ne pouvait pas être nazi .

En travaux manuels , les petites camarades apprirent à coler des croix gammées sur des papiers de couleurs et , les quatree à six filles juives que nous étions pouvaient coller ce qu'elles voulaient , ce qui étaient bien sympathique , sauf qu'en même temps ça ne l'était pas du tout .De temps à autres les filles aryennes venaient nous faire admirer ce qu'elles avaient fabriqué de joli. On comparait et critiquait .

Et cette petite fille au regard implacable traversera toutes les épreuves des camps , de la perte , de la douleur avec une force intérieure exceptionnelle liée à un sentiment de liberté innée : nulle trace de fuite dans la culpabilité , la croyance , et quelques autres formes d'attachement ....même sa façon d'aimer ses proches dès l'enfance se traduit par une volonté de prendre son destin en mains .

Alors pour cet être résolument libre , c'est sa vérité qu'elle expose dans ce roman autobiographique ,
celle qui n'est pas toujours du politiquement correctement ,
celle qui refuse les étiquettes ,
celle qui dénonce aussi sa culture qui réduit la femme à un être inférieur ,
celle qui se moque de" nos hommes ces héros " car c'est bien connu "les femmes et les enfants d'abord" dans le sauvetage et honneur et gloire aux valeureux guerriers ,
celle qui s'insurge contre cette nouvelle forme de tourisme dans ce qui reste des camps par devoir de mémoire qui n'aboutit finalement qu'à nourrir certaines formes de fantasmes et salit ce qui s'est passé ,
celle qui refuse la victimisation autant que la banalisation ,
celle qui hurle de ses entrailles de petite fille le besoin de réveiller les consciences endormies ......

Par son refus de témoigner , Ruth Kruger apporte un regard vu sous un angle très personnel , porté par une plume tonique , cinglante , jubilatoire et explosive : Garez-vous lecteurs si vous recherchez le confort . Avec Ruth Kruger il faut accepter la règle du jeu qu'elle impose : que le lecteur soit impliqué , et c'est uniquement à cette condition que l'oeuvre prend tout son sens .

Chaque page de mon livre est souligné : aucun répit possible mais l'aventure est tout aussi poignante que jouissive : c'est un sacré numéro cette Ruth, insolente qui s'assume comme telle , un être libre qui ne se réfugie pas dans la culpabilité , la victimisation , la croyance ou l'amour .....sale gosse jusqu'au bout , rebelle et explosive , intransigeante et déterminée : chapeau bas !

Un de mes grands coups de coeur de lectrice !
Mais une seule lecture ne suffit pas d'ailleurs pour s'approprier le texte dans toute sa profondeur et tous les thèmes abordés et je l'inscris derechef dans mes projets de relecture .
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Dans sa rubrique « Disparitions » le journal le Monde a publié le 10 octobre 2020, un portrait de Ruth Klüger, universitaire et écrivaine américaine, spécialiste de la littérature allemande, née en 1931 à Vienne, d'où elle fut déportée douze ans plus tard, à Theresienstadt, Auschwitz-Birkenau, Christianstadt.
Le livre, rédigé en Allemand, est publié au début des années 90 en Allemagne, en 2001 à New York, elle l'écrit en 1988 alors qu'un accident grave la prive de tout mouvement et qu'elle se retrouve face à ses souvenirs. le titre « refus de témoigner » est emprunté à un poème qu'elle transcrit à la fin de son récit, un poème datant des années soixante, rédigé au moment de son premier ou deuxième retour en Allemagne. Ce titre a été choisi par son éditrice en France plutôt que la traduction littérale du titre anglais ou allemand : « Still alive » et « Weiter leben » qui évoquent effectivement l'un et l'autre, la vie qui continue après les camps. Ces titres peuvent paraître plus convenus que le titre français, en fait ils sont plus explicites sur l'intention de l'auteur. Elle livre en effet dans son livre, un travail de réflexion remarquable sur ce qu'est la mémoire, la mémoire de l'holocauste. Elle s'insurge en particulier sur le voyeurisme auquel la mémoire de celui qui témoigne s'expose, dans une sorte d'effet « kitsch » où l'auditeur ou le spectateur regardent uniquement la victime comme un objet de souffrance, lui déniant ainsi toute vie postérieure aux camps, et se positionnant plus dans la contemplation de son propre sentiment de compassion, que devant l'examen d'une réalité. Elle fustige ainsi la culture muséale qui entoure les camps et parle d'une « usurpation de la mémoire ». Elle ne confisque pas toutefois cette mémoire, au contraire, elle en fait un élément patrimonial universel, ce qui la conduit à justifier les oeuvres littéraires et artistiques qui s'en réclament, et qui pour elle, doivent être regardées comme des créations artistiques. Elle légitime ainsi aussi bien Spielberg que Lanzmann et fustige les propos d'Adorno.
Quatre parties structurent le livre, portant les noms géographiques des lieux qui ont jalonné sa route, de Vienne à New York, en passant par les camps. L'Épilogue, s'articule autour de son accident à Göttingen en 1988, il est suivi d'un chapitre ajouté au livre au moment de sa parution en édition de poche : « La mémoire dévoyée : kitsch et camps »
Un livre d'une portée philosophique remarquable.



Lien : https://www.lemonde.fr/dispa..
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Refus de témoigner est une oeuvre caustique et sans concession, sur tous les sujets. Ruth Klüger raconte son enfant dans Vienne où monte l'antisémitisme, raconte les camps, la fuite, ses relations avec sa mère, les espoirs et les déceptions de l'émigration après la guerre, mais aussi les difficultés à trouver une place dans un monde qui tour à tour minimise la Shoa ou la change en un tourisme historique qui remplit les caisses de l'état polonais.
Un texte indispensable et comme on s'en doute un texte à ne pas ouvrir si vous êtes déjà en souffrance, car la claque est immense!
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Ce roman autobiographique traite de l'enfance de l'auteur née à Vienne et qui, en 1942, sera déportée avec sa mère dans 3 camps différents. Elle décrit ses années de sa vie sans pathos mais apporte une réflexion sur les agissements de chacun : ceux des déportés, les siens, ceux des criminels et ceux qui sont nés après. Et par ce biais, elle interroge le lecteur sur ces propres agissements ou ce qu'ils auraient été si nous avions vécus à cette époque.

Martin Waslernbe s'y est pas trompé en commentant ainsi – sur la Radio Bavaroise- sa parution en 1992 : « La précision du style, qui met en doute le témoignage de mémoire, ne nous permet pas de nous dédouaner par la compassion. Je ne crois pas qu'on puisse lire ce livre sans se sentir provoqué… Chaque lecteur devra y répondre avec sa propre histoire. »

Elle avoue ne pas comprendre le culte de la mémoire de ses lieux d'extermination et c'est ce qui explique son long mutisme avant d'écrire ce livre qui a obtenu le prix Grimmelshausen.

Personnellement j'ai adorée et conseille vivement sa lecture.
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Citations et extraits (27) Voir plus Ajouter une citation
L'un d'eux raconte qu'il a fait la connaissance à Jérusalem d'un vieux Hongrois qui avait été détenu à Auschwitz et qui néanmoins, "dans un même souffle", disait du mal des Arabes, prétendant qu'ils étaient tous mauvais. Comment quelqu'un qui est passé par Auschwitz peut-il parler ainsi ? demande l'Allemand. J'interviens, demande, sur un ton peut-être un peu plus acerbe qu'il ne faudrait, ce qu'on espère : Auschwitz n'a jamais été un établissement d'éducation d'aucune sorte, et surtout pas d'éducation à l'humanité et à la tolérance. Il n'est absolument rien sorti de bon des camps, et il en attendrait une élévation morale ?
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Le rôle qu'un "séjour" dans un camp de concentration joue dans une vie ne peut pas se définir d'après quelque vague règle psychologique, mais diffère pour chacun, dépend de ce qui a précédé et de ce qui a suivi, et même de la façon dont les choses se sont passées, pour lui ou pour elle, dans le camp. Ce fut une expérience unique pour chacun.
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La porte du wagon était ouverte. On avait de l'air. Et surtout, on quittait Birkenau. J'étais toute heureuse de soulagement.
Pourtant tout avait changé. Au sortir du camp d'extermination, je regardais le paysage normal comme s'il était devenu irréel. A l'aller, je ne l'avais pas vu, mais maintenant, ce pays dont les Silésiens chantent encore les louanges aujourd'hui s'étendait paisiblement sous mes yeux, avec une beauté de carte postale, comme si le temps avait été suspendu, et que je ne sortisse pas directement d'Auschwitz. Des cyclistes sur de tranquilles chemins de terre, entre des champs inondés de soleil. Le monde n'avait pas changé, Auschwitz n'était pas sur une autre planète, il faisait partie de la vie qui s'étendait devant nous et avait continué comme par le passé. Je méditais l'illogisme qui faisait qu'une telle insouciance pût coexister avec notre convoi, sur un même espace. Notre train venait quand même des camps, relevait de la spécificité particulière de l'existence des camps, et sous nos yeux s'étendait la Pologne, ou l'Allemagne, la Haute-Silésie, peu importe le nom, en tout cas une patrie pour les hommes devant lesquels nous passions, un lieu, où ils se sentaient bien. Ce que je venais de vivre ne les avaient même pas touchés. Je découvrais le mystère de la simultanéité comme une réalité insondable, qu'on ne pouvait pas tout à fait se représenter, apparentée à l'infini, à l'éternité.
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Quelque temps après que j'eus quitté l'école, on me fit encore donner des leçons particulières d'anglais par une Anglaise de naissance qui admirait les nazis et que je détestais à proportion. Mais comment ma mère - me demande un ami plus jeune - put-elle donc en arriver à employer une sympathisante des nazis comme professeur particulier? Je réponds que nazis et non-nazis ne se distinguaient pas aussi facilement que les torchons et les serviettes. Les convictions étaient flottantes, les humeurs changeants, les sympathisants d'aujourd'hui pouvaient être les adversaires du lendemain, et inversement. Ma mère pensait que l'essentiel était le bon accent britannique, que les opinions politiques de mon professeur ne me concernaient pas, et que je pouvais de toute façon apprendre des choses avec elle. Elle se trompait: la petite Juive ne plaisait pas plus à cette femme que celle-ci ne me plaisait, ces leçons étaient un supplice à force d'aversion mutuelle. Quoique j'apprisse, je m'empressais de l'oublier d'une leçon à l'autre, avec une application qui eût fait honneur à Pénélope.
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a fait la connaissance à Jérusalem d’un vieux Hongrois qui avait été détenu à Auschwitz et qui néanmoins, « dans un même souffle », disait du mal des Arabes, prétendant qu’ils étaient tous mauvais.Comment quelqu’un qui est passé par Auschwitz peut-il parler ainsi ? demande l’allemand. J’interviens, demande, sur un ton peut-être un peu acerbe qu’il ne faudrait , ce qu’on espère : Auschwitz n’a jamais été un établissement d’éducation d’aucune sorte, et surtout pas d’éducation à l’humanité et à la tolérance (p.80)
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Vidéo de Ruth Klüger
Un film d'une heure relatant la vie de Ruth Klüger.
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