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Critique de LaChimere


L'écriture a bonne presse par chez nous, puisqu'après le premier confinement, un Français sur trois songeait à commencer un livre, et un sur dix est passé à l'acte. Avec cet élan fleurissent des formations à l'écriture par dizaines, qui viennent pallier notre quasi-absence de formation académique. Dans le lot, disons qu'il y a à boire et à manger, et c'est parfois difficile d'évaluer la pertinence d'une formation sans débourser un rein. Mais Argyll a pensé à nous ! Voici « Comment écrire de la fiction ? », une collection d'essais dédiés à l'écriture, entamée l'an dernier avec Lionel Davoust.
Dans Rêver, construire et terminer ses histoires, Lionel Davoust nous a initiés aux arcanes de la création littéraire avec beaucoup de théorie et de rhétorique. C'est forte de ce savoir neuf que j'ai, avec Devenir artisan de ses histoires, courageusement plongé les mains dans le cambouis de l'écriture.

On a souvent la sensation, en découvrant un livre sur l'écriture, que son titre cherche à englober l'intégralité de sa discipline. Les masterclasses en ligne ont la différenciation plus facile. Je ne peux parler de Devenir artisan de ses histoires sans évoquer Rêver, construire et terminer ses histoires parce qu'ils sont fort différents et, à mon sens, tout autant complémentaires.

Avec Lionel Davoust, on a découvert la théorie : comment aborder et cadrer la genèse d'un projet, se familiariser avec les origines de la créativité par le prisme de la littérature. Si son essai regorge d'exemples et de mises en situation pertinentes, il n'a rien à voir avec celui de Knight qui, lui, ne fait pas dans l'abstraction. C'est pourquoi je conseille de lire Rêver avant Devenir : une fois intégrées les notions explicités par le premier, on est d'autant mieux armé·e pour se retrousser les manches dans le second.
Avec Devenir artisan de ses histoires, j'ai vraiment eu la sensation que Damon Knight me donnait une paternelle accolade d'encouragement, puis qu'on s'accroupissait dans la poussière, devant une montagne de casse-têtes, qu'il m'a appris à résoudre un par un, pas à pas. (Il paraît que je visualise trop, accusation réfutée.) La voix de Knight ne s'efface pas derrière sa rhétorique et ses conseils, ce qui renforce sa position de mentor et donne une véritable identité à son essai. Pour rappel, il fut un auteur prolifique : une vingtaine de romans, une inquantifiable quantité de nouvelles, et des travaux parallèles qui forcent le respect. Il a lancé des ateliers d'écriture précurseurs aux États-Unis, écrit l'oeuvre à l'origine d'un célèbre épisode de la Quatrième Dimension, fondé de grandes associations d'imaginaire… Il est le créateur du prix Nebula ! Knight nous enseigne bien des choses et il a toute la légitimité pour le faire, et si pédagogie et écriture sont deux domaines distincts, j'apprécie qu'il soit compétent et reconnu dans les deux.L'essai suit une progression claire : la création d'une histoire – qui fait écho au Rêver, construire et terminer ses histoires –, des observations narratologico-scénaristiques, la conclusion d'une histoire, puis des conseils plus libres sur les bonnes habitudes d'écriture.

Comme dans Rêver, le déroulement est clair, illustré de schémas et d'exemples précis. Knight s'appuie sur la multitude d'oeuvres qu'il a produites pour tirer ses leçons de sa propre expérience. Au point de commenter l'une de ses nouvelles, Semper fi, dans son intégralité. On fait difficilement plus pédagogue, non ? Pour ma part, j'ai eu un coup de coeur pour Fred : c'est ainsi que Knight désigne la partie inconsciente de son cerveau, à laquelle il livre des éléments créatifs disparates dans l'attente qu'en ressorte un assemblage utilisable en écriture. J'ai grandement apprécié de conscientiser mon propre Fred – même si j'aimerais lui trouver un autre nom, rapidement, par confort esthétique. À noter que la première édition de cet essai date de 1981, aux États-Unis, deux paramètres qui m'ont d'abord rendue prudente sur son assimilation. Mais force est de constater que très peu de conseils sont désormais datés – et alors, la traductrice s'est fendue de notes très pertinentes. Les méthodes de Knight fonctionnent toujours aussi bien.

Au sujet de la traductrice, je salue sa gestion du neutre anglais. Les métiers les plus répandus dans le texte, à savoir « auteur·ice », « lecteur·ice », « éditeur·ice », etc, sont accordés en paritaire : parfois au masculin, parfois au féminin. Une décision d'autant plus louable qu'on connaît cette réalité des littératures de l'imaginaire contemporaines, majoritairement – pas de beaucoup mais tout de même – féminines.

Enfin, un mot sur les exercices d'écriture proposés par Knight. Ils parsèment ses leçons et je les ai trouvés, tous, d'une grande pertinence. Ce sont, en règle générale, des exercices d'imagination ou des consignes pour rédiger un court texte à contraintes. J'avoue n'en avoir essayé aucun pour l'instant, car je lis beaucoup dans le métro et que c'était irréalisable de les appliquer au fil de ma lecture. Mais j'en ai gardé quelques-uns de côté !
De mon point de vue, Devenir artisan de ses histoires s'adresse majoritairement aux auteur·ices débutant·es et intermédiaires. Je me classe au début des intermédiaires : beaucoup de conseils tombaient sous le sens vis-à-vis de ma propre expérience, même si, on s'entend, connaître ne veut pas dire maîtriser, et je ne me serais dispensée d'aucun chapitre.

Qu'on entame l'écriture avec cet essai ou qu'on veuille éprouver ses connaissances au contact d'un véritable enseignant en écriture créative, je recommande complètement cette lecture à mes camarades écrivain·es !
Lien : https://carnetsdechimere.wor..
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