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Critique de florence0805


Dans ce premier roman magistral, Sana Krasikov construit une fresque historique extrêmement documentée sur la Russie des années 30 à nos jours et les rapports Est/Ouest, à travers 3 générations d'une même famille.
En 1934, l'Amérique est en pleine récession. Florence Fein, fille de Juifs originaires de l'Europe de l'Est, est une jeune femme romantique éprise de liberté, qui rêve de quitter Brooklyn. L'American Dream semble avoir disparu, au profit du Soviet Dream parmi les étudiants militants qu'elle fréquente. Marquée également par sa rencontre avec un bel ingénieur Russe, Florence décide d'embarquer pour la toute jeune URSS, où elle pourra, lui semble-t-il, participer à bâtir un monde nouveau. Après un séjour dans l'Oural Florence se retrouve à Moscou, où elle va vivre une cinquantaine d'années, de plus en plus privée des libertés qu'elle semblait chérir…
A travers le prisme de la vie de Florence, l'auteure retrace toute l'histoire de l'URSS vue du quotidien d'une Refuznik : l'idéalisme des premières années (pleine de foi dans ce monde nouveau, Florence accepte avec enthousiasme la vie en appartement communautaire), la mise en place progressive de la terreur stalinienne, l'antisémitisme, les purges, les procès truqués, les exécutions sommaires, les dénonciations, les arrestations, la torture, les camps de travail en Sibérie… Paradoxalement, Florence met du temps à déchanter face à un régime qui se révèle loin de ses idéaux ; lorsqu'elle prend conscience des excès du régime et de la disparition de toute liberté individuelle, il est trop tard : son passeport lui est confisqué, tout visa de sortie refusé. La nationalité soviétique lui est attribuée : elle est alors déchue de sa nationalité américaine par les Etats-Unis, tout retour est impossible.
Dans les années 70, Julian, le fils de Florence, voit son avenir universitaire bouché par les quotas imposés aux juifs. Il fait alors le chemin inverse de sa mère : il part aux Etats-Unis avec sa femme et ses enfants, mais peine à convaincre sa mère de les suivre : malgré les souffrances qu'elle a endurées, Florence est incapable de faire la moindre critique au régime soviétique.
En 2008, Julian revient à Moscou pour un voyage professionnel et tenter de convaincre son fils Lenny (qui a quitté les Etats-Unis pour venir vivre en Russie) de retourner en Amérique. A ce moment-là, les archives du KGB ont été ouvertes au public, ce qui permet à Julian d'élucider les zones d'ombre du passé de sa mère. Julian est en même temps aux prises avec la corruption de la Russie de Poutine et victime d'un chantage digne de la grande époque stalinienne ; il trouve dans le dossier de sa mère un moyen de se sortir dignement de sa situation.
D'un personnage l'autre, d'une époque à l'autre, la construction du roman n'est pas linéaire mais laisse le lecteur en tension. Ces voyages temporels confèrent une grande vivacité au récit, car on a hâte de savoir ce qu'il est advenu du personnage quitté précédemment. Sana Krasikov a parfaitement réussi la symbiose entre la grande et la petite histoire : la focalisation sur les trois héros du roman permet une description de l'intérieur du régime soviétique et de la Russie de Poutine. Les vérités historiques se mêlent habilement à ces histoires de vie : le roman est extrêmement documenté, mais les faits s'intègrent sans jamais donner lieu à des exposés d'historien. L'auteure se garde bien de porter un quelconque jugement sur les choix de ses personnages, souvent victimes d'un système qui les pousse au pire pour survivre et protéger leurs proches.
L'écriture du roman est très soignée et élégante, et parfaitement mise en valeur par la traduction de Sarah Gurcel.
Ce premier roman est une époustouflante fresque historique dont on peine à quitter les personnages.
Un grand merci à Terres d'Amérique – Albin Michel et au #PicaboRiverBookClub pour cette très belle découverte !

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