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Critique de jlvlivres


Guerre & Guerre (Háború és háború, War & War), roman, (13, Cambourakis, 368 p.)
Le roman débute par la photo de couverture : la bibliothèque de Sarajevo détruite par les flammes. le titre ensuite, pour intriguer le lecteur: « Guerre et Guerre ». Puis une phrase en exergue «Le paradis est triste ».

Huit chapitres retracent le chemin de György Korim, 44 ans, archiviste dans un « Centre des Archives » plus que non défini, le lecteur va faire connaissance avec György Korim, historien travaillant dans un centre d'archives à environ 200 kilomètres de Budapest. L'archiviste a conçu un «Grand Projet», mais il faudra de la patience au lecteur pour en découvrir la nature. Ce projet doit le mener vers un hypothétique «Chemin de Sortie» et pour cela, il lui faut à tout prix éditer un texte retrouvé d'un (in)certain Wlassich, puisque c'est dans les archives classées à ce nom que Korim a fait son étrange découverte ?

« il venait de découvrir que quelqu'un avait construit le centre du monde, le point central du monde, la ville la plus importante, la plus sensible, la plus grande du monde, en la remplissant de tours de Babel ».

Korim n'aura pas de cesse avant d'achever cette mission, quelques 280 pages plus loin. le roman débute par l'attaque de Korim par une bande de sept jeunes. Il leur raconte son histoire dans la rue et les affole tellement que les autres en oublient de le molester. L'archiviste comprend de moins en moins la complexité du monde, de plus en plus opaque à ses yeux. Il abandonne ce qui lui tenait lieu de vie. Il vend ses biens, sa maison et part tout d'abord pour la capitale d'où il espère gagner les Etats-Unis. Il part ensuite pour New York «le centre du monde » afin de remplir sa mission : faire connaître au monde le dit manuscrit. Il s'installe à New York centre vital du monde chez un traducteur hongrois et Maria sa fiancée porto-ricaine. A la fin, il projette de disparaître, sans doute en se suicidant, mais on n'en sait pas beaucoup plus.
Le manuscrit parle de quatre voyageurs (Kasser, Bengazza, Kalke et Toot), dans des situations et des époques différentes. On les retrouve en Crète, puis à Cologne, à Venise, ou le long du mur d'Hadrien en Ecosse. Ils passent du Moyen-Age à la Renaissance, en passant par les temps modernes. Leurs aventures vont être confiées à l'éternité provisoire des ordinateurs mais avant Korim raconte leurs déboires à sa logeuse porto-ricaine entre deux promenades dans New York. D'ailleurs il ne comprend presque plus rien au manuscrit qui lui a été confié par le destin. «Une seule et même phrase, une phrase monstrueuse et infernale qui engloutissait tout, elle commençait avec quelque chose, puis arrivait une deuxième, une troisième chose, et puis la phrase revenait sur la première, et ainsi de suite». On est bien mal partis. «La seule chose qu'il était en mesure de révéler [...] était, pour dire les choses un peu crûment, qu'il parlait d'une terre que les anges avaient désertée».
Korim découvre aussi une tour de Babel, peinte par Brueghel, d »où il tire le sens de sa longue quête: « il venait de découvrir que quelqu'un avait construit le centre du monde, le point central du monde, la ville la plus importante, la plus sensible, la plus grande du monde, en la remplissant de tours de Babel. ».
Korim quitte alors New York pour la Suisse. Il se rend à Schaffhausen, dont le musée détient des oeuvres de Mario Merz, les fameux igloos de l'«Arte Povera». (Mario Mertz a introduit la figure symbolique de la spirale qui fut successivement associée à celle de la table). le parcours du héros s'achève par l'apposition d'une plaque qui résumera son existence en une seule phrase (« la fin se trouve réellement ».
En 1999, une plaque commémorant Gyorgi Korim, personnage principal du roman, fut posée à Schaffhausen, où, comme il est écrit dans le roman, « la fin se trouve réellement » : « J'ai choisi, écrit l'auteur sur le site des éditions Cambourakis, d'en situer le dénouement dans la réalité ».
La tour de Babel, considérée comme le «triomphe de la grandeur sans Dieu», «le chemin sans Dieu» conduisant «à un être merveilleux, brillant, éblouissant, capable de tout sauf d'une seule chose, de dominer sa propre création», puisque «ce qui est trop grand est trop grand pour nous» (p. 253,souligné par LK). C'est un «chemin de la sortie » illusoire qu'il faut chercher hors du livre, comme Korim l'a compris, peut-être en se tirant une balle dans la main, (c'est l'explication de « La venue d'Isaïe » rappelée dans « Guerre et Guerre » très discrètement, ou bien par le biais d'un bateau dont les mouvements sur l'eau mimeraient une écriture géante et invisible, ou bien se suicidant dans le musée suisse où il a découvert un igloo de Mario Merz dans lequel il a peut-être cru pouvoir mettre à l'abri des forces.
De fait « La Venue d'Isaïe » et « Guerre et Guerre » forment un tout, lequel forme en plus un emboitement multiple. La lettre annonce le roman, et le manuscrit que Korim trouve sublime et essaye de sauver, sauve en réalité le roman lui-même. C'est en fait un sauvetage au même titre que celui de la mémoire que LK essaye de faire passer, comme étant l'histoire du monde.

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