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Citations sur Guerre & Guerre (17)

"l'odeur du poids démesuré de la vacuité humaine, transportée jusqu'ici par des centaines de milliers de trains, l'odeur écoeurante de millions de volontés stériles, vides de sens, qui, depuis le haut de la passerelle semblait plus épouvantable encore"
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Il existe une relation forte entre les choses proches, une relation faible entre les choses distantes et entre les choses très éloignées, il n'y a plus aucune relation, et là, on touche au divin.
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Kasser fit alors remarquer qu'il n'existait rien de plus beau qu'un coucher de soleil sur les montagnes et la mer, le coucher de soleil, ce merveilleux jeu de lumières dans le ciel s'assombrissant, cette somptueuse incarnation de la transition et de la permanence, la sublime tragédie, poursuivit Falke, de toute transition et de toute permanence, un spectacle grandiose, une merveilleuse fresque représentant quelque chose qui n'existait pas mais illustrait à sa façon l'évanescence, la finitude, la disparition, l'extinction, et l'entrée en scène solennelle des couleurs, intervint Kasser, cette époustouflante célébration du rouge, du lilas, du jaune, du brun, du bleu, du blanc, l'aspect démoniaque de ce ciel peint, c'était tout cela, tout cela, et bien d'autres choses encore, reprit Falke, car il fallait aussi évoquer les milliers de frissons que le spectacle évoquait chez celui qui le contemplait, l'émotion intense qui le saisissait immanquablement, un crépuscule, dit Kasser, incarnait la beauté emplie d'espoir des adieux, l'image éblouissante du départ, de l'éloignement, de l'entrée dans l'obscurité, mais aussi la promesse assurée du calme, du repos, et du sommeil imminent, c'était tout cela à la fois, et combien d'autres choses encore, remarqua Falke, oui, combien d'autres choses encore, renchérit Kasser (...) III, 6 Toute la Crète p 111
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C'était arrivé brutalement, sans le moindre signe avant-coureur, sans aucun préambule, la prise de conscience l'avait frappé et terriblement affligé le jour précis de son quarante-quatrième anniversaire, exactement comme ils lui étaient tombés dessus, tous les sept, au milieu de la passerelle, dit-il, de façon aussi soudaine qu'imprévisible, il était assis au bord d'une rivière - un endroit où il allait de temps en temps -, car il n'avait aucune envie de rentrer dans son appartement vide le jour de son anniversaire, et là, mais vraiment subitement, il s'était aperçu que Dieu du ciel! il ne comprenait rien, que doux Jésus! il ne pigeait rien du tout, que nom d'un chien! il ne comprenait pas le monde, et il fut effaré par cette façon de formuler les choses, par ce niveau de banalité, de cliché, de naïveté, oui, mais le fait est qu'il se trouva horriblement stupide à quarante-quatre ans, un triple idiot qui avait cru pendant quarante-quatre ans comprendre le monde, alors qu'en fait, reconnut-il alors au bord de la rivière, non seulement il ne comprenait pas le monde mais il ne comprenait rien à rien, et le pire dans tout cela était qu'il avait cru, durant quarante-quatre années, le comprendre, ce fut cela le pire en cette soirée d'anniversaire, seul au bord de cette rivière, d'autant plus qu'il ne résultait pas de cette révélation que bon, très bien, maintenant il comprenait tout, non, il ne venait pas d'acquérir un nouveau savoir en échange d'un ancien savoir, mais se trouvait confronté à une épouvantable complexité, et à partir de cet instant, dès qu'il pensa au monde - et ce soir-là, il y pensa intensément et se tortura l'esprit, sans résultat - cette complexité devint de plus en plus opaque, et il pressentit alors que cette complexité incarnait l'essence même de ce monde qu'il tentait si désespérément de comprendre, que le monde ne faisait qu'un avec sa propre complexité, voilà où il aboutit, et il ne baissa pas les bras lorsque, quelques jours plus tard, les problèmes avec sa tête commencèrent.
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Les phrases étaient structurées, les mots, les signes de ponctuation, points, virgules, étaient bien en place, et pourtant, dit Korim en recommençant à effectuer des mouvements de rotation de la tête, tout ce qui se passait dans la dernière partie pouvait se résumer en un seul mot : effondrement, effondrement, effondrement, collapse, collapse, collapse, car les phrases semblaient être devenues folles, une fois lancées, elles passaient à la vitesse supérieure, s'emballaient, et se mettaient à courir à une vitesse effrénée, crazy rush, il n'était pas un puriste de la langue académique hongroise, dit-il en se désignant, loin s'en fallait, il s'exprimait lui aussi en comprimant, en écrasant les mots comme un rouleau compresseur afin de tout condenser en une seule phrase, et en une seule longue et profonde respiration, il en était parfaitement conscient, mais ce qui se passait dans le sixième chapitre, the sixth chapter, était tout à fait différent, car, ici, la langue se rebellait, cessait de remplir sa fonction originelle, une phrase débutait, et ne voulait plus s'arrêter, non pas...disons, parce qu'elle tombait en chute libre dans un abîme, autrement dit, par impuissance, non, c'était le produit d'une forme de rigueur insensée, comme si des forces démoniaques s'étaient libérées en elle, pour l'entraîner, un fait plutôt inhabituel et contraire à leur nature, vers la discipline, the discipline, ici, dans le manuscrit, en fait, dit Korim à la femme, une phrase interminable se présentait, et elle se démenait pour être la plus précise et la plus suggestive possible, recourant à tout ce que la langue permettait et ne permettait pas, les mots affluaient dans les phrases et s'enchevêtraient, se télescopaient, mais pas à la façon d'un carambolage sur la voie publique, non, plutôt comme dans un puzzle, dont la résolution était vitale, se retrouvaient accolés dans une promiscuité dense, concentrée, fermée, étouffante, oui, c'était bien cela, fit Korim en hochant la tête, c'était comme si chaque phrase, all the sentences, était d'une importance capitale, une question de vie ou de mort, life and death, et suivait un rythme vertigineux, et ce qui était décrit, construit, développé, exposé, était si complexe, so complicated, qu'on n'y comprenait rien, oui, déclara Korim, et il avait vraiment bien fait de lui révéler l'essentiel, car la Rome du sixième chapitre était d'une complexité atroce, et c'était cela l'essentiel, et le fait que le manuscrit, une fois cette complexité atroce installée, devenait vraiment illisible, illisible et dans le même temps d'une beauté incroyable, il l'avait déjà ressenti au tout début, quand, dans le lointain centre des archives de la lointaine Hongrie, en des temps qui lui semblaient antédiluviens, il était - comme il le lui avait déjà raconté - arrivé pour la première fois à la fin du manuscrit, et il avait eu beau le lire et le relire, Dieu sait combien de fois, cette sensation n'avait pas changé et aujourd'hui encore, il le trouvait à la fois incompréhensible et magnifique, inapprehensible and beautiful, quant au contenu du texte, la seule chose qu'il avait réussi à déchiffrer lors de sa première tentative était qu'ils se tenaient devant l'une des portes fortifiées d'Aurelianus, la porte Appia, pour être précis, à une centaine de mètres à l'extérieur des fortifications, autour d'un petit sanctuaire en pierre, et qu'ils regardaient la route, la Via Appia, qui traçait une ligne droite depuis le Sud, et devant cette porte Appia, il ne se passait rien, c'était l'automne, ou le début du printemps, difficile à dire, la porte était abaissée, on ne distinguait des gardes que leurs deux visages à travers les meurtrières de la salle des manoeuvres, autour d'eux s'étendait la plaine, envahie de mauvaises herbes, près de la porte se trouvait la fontaine, avec quelques cisarii, voilà, c'était à peu près tout ce qu'il avait réussi à extrapoler du dernier chapitre, cela et puis, fit Korim en avançant les lèvres, que tout, tout était atrocement compliqué.
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"[...] il avait réalisé , tout en observant l'extraordinaire complexité des choses, que si le monde n'existait pas, toute la pensée humaine s'y référant était, elle, bien existante, et qu'il n'existait qu'ainsi, dans des milliers de variantes : dans les milliers de projections de l'esprit humain le décrivant, lui, le monde, et puisque, dit-il, il existait en tant que mot, en tant que Verbe flottant au-dessus des eaux, il était évident qu'exprimer telle opinion, émettre une hypothèse ou un choix n'avaient aucun sens, il ne fallait pas choisir mais accepter, il ne fallait pas faire le bon ou le mauvais choix mais admettre que rien ne dépendait de nous, accepter que la justesse d'un raisonnement, aussi remarquable fût-il, ne dépendait pas de son exactitude ou de son inexactitude, puisqu'il n'y avait aucun modèle de référence auquel le mesurer, mais de sa beauté, laquelle nous incitait à croire en sa véracité, voilà ce qui s'était passé entre le soir de son anniversaire et la centième étape de sa réflexion, voilà, fit Korim, ce qui lui était arrivé, il avait compris la force incommensurable de la foi, et donné une nouvelle interprétation à ce que les anciens savaient, à savoir que le monde était et subsistait par la foi en son existence et qu'il périrait avec la perte de cette foi"
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(...), ce qu'il voulait dire, c'était qu'ici, cette incomparable beauté, celle de Venise, reposait sur une pure rationalité, limpide, transparente, et cela ne se trouvait qu'à Venise, dans la plupart des grandes villes, la beauté était le fruit d'un mélange absurde et confus de trouble hasard, d'accidentel et de démesure, tandis qu'à Venise, la beauté allait de pair avec la raison, reposait sur elle, et avait été fondée, au sens strict du terme, sur des décisions claires, limpides, sur des réponses judicieuses à des défis concrets, (...).
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le manuscrit n’avait qu’un seul propos : écrire la vérité en boucle jusqu’à la folie.
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La civilisation minoenne, dit Korim, le Minautore, Thésée, Ariane et le labyrinthe, mille cinq cent ans de paix unique, tant de beauté, d'énergie, de sensibilité, la hache à double tranchant, et les céramiques de Kamarès, les déesses de l'opium, et les grottes sacrées, le berceau de la civilisation européenne, comme on dit, l'âge d'or, le quinzième siècle et ensuite Théra, dit-il d'une voix amère, les Mycéniens et les hordes d'Achéens, la destruction totale, aussi incompréhensible que douloureuse, voilà tout ce que nous savons Mademoiselle, et puis il se tut, souleva les jambes pour lui permettre de passer son balai sous la table, et la femme, juste avant de continuer vers la porte et sans doute pour le remercier d'avoir gentiment soulevé les pieds, lui dit d'une toute petite voix, avec un accent prononcé :"jó", c'est-à-dire, "bien", en hongrois, après quoi elle se dirigea vers la porte, balaya soigneusement tous les coins et recoins, rassembla les détritus, qu'elle poussa avec son balai sur la pelle, puis elle alla ouvrir la lucarne de ventilation, et jeta le tout, qui se dispersa dans le vent, dans le ciel, entre les misérables toits et les cheminées décrépites, et, lorsqu'il referma la lucarne, on entendit une boîte de conserve vide heurter le mur dans sa chute, et puis le bruit s'évanouit progressivement, dans le vent, dans le ciel, entre les toits et les cheminées.
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Maintenant, peu m’importe de mourir, dit Korim, puis, après un long silence, il désigna une carrière inondée : ce sont des cygnes là-bas ?
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