AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Talec0904


“La langue est la mère, non la fille de la pensée.” Karl Kraus
Malgré deux préfaces, celle du traducteur et celle de Jacques Bouveresse, philosophe du langage, la lecture en est difficile et le compte rendu également.
Aussi je vais faire comme à l'école.
Le flambeau :
Kraus créa en 1899, Die Fackel… le Flambeau, revue dont il fut souvent le seul rédacteur pendant trente-cinq ans. Celle-ci anima la vie intellectuelle et culturelle de Vienne de l'époque.
Ecrit en 1933, édité pour la première fois en 1952 en Allemagne, puis en France en 2005. « Troisième nuit de Walpurgis » est l'un des derniers textes de Kraus.
Le style satirique de troisième nuit de Walpurgis:
Kraus y dénonce la corruption dans le monde littéraire mais aussi politique, judiciaire et économique. Il y utilise un genre très utilisé à Vienne : celui de la presse satirique, et notamment l'imitation ironique. N'hésitant pas à nommer les personnes et journaux qui en sont l'objet.
Ce style trouvera probablement ses limites face au langage Nazi. Celui-ci étant déjà une caricature.
Description de la situation en Allemagne
Alors même qu'il n'était pas très favorable à la démocratie parlementaire, on est stupéfié de ses dénonciations.
Dès 1933 donc, Kraus parle des préparatifs de guerre de l'Allemagne nazie, de l'antisémitisme brutal, des camps de concentration, des tortures, des exécutions sommaires, des sévices perpétrés contre les femmes accusées de « se commettre » avec des Juifs, de la « détention préventive »permettant de mettre rapidement les opposants à l'écart. « C'est un moment, dans la vie des nations, qui ne manque pas de grandeur dans la mesure où, en dépit de l'éclairage électrique et même de tous les expédients de la radiotechnique, on renoue avec l'état primitif et où un bouleversement de toutes les conditions de vie passe souvent par la mort. »
Comment prétendre alors qu'on ne savait pas?
Pour Kraus, on ne voulait pas savoir. Ne pas admettre les choses tant qu'elles ne nous touchent pas personnellement. C'est ainsi que le président du Pen Club autrichien, déclare : « je suis juif et jamais encore je n'ai été interrogé sur ce sujet en Allemagnes »
« Les Allemands ne se rendent-ils pas compte - car les autres s'en rendent compte - non seulement qu'aucune nation ne se réfère aussi souvent qu'elle au fait qu'elle en est une mais que le reste du monde n'emploie pas aussi souvent en une année le terme de "sang" que ne le font les radios et les journaux allemands en une journée ? »
Ou à propos de Hitler : « L'observateur ne ressent-il pas des brûlures d'estomac quand notre homme apparaît en public, affable et surtout débordant d'amour pour les enfants ?
Critique du journalisme
Kraus n'avait pas de sources d'information privilégiées. Il lisait simplement les journaux, écoutait la radio.
Pour lui la régularité de la parution est déjà le signe d'un mensonge car, bridant toute hiérarchie, la presse met au même niveau guerres et mariages princiers.
«La presse est-elle un messager? Non, elle est l'événement! Un discours? Non, la vie ! Elle ne se contente pas de prétendre que ses dépêches constituent les véritables événements, mais elle provoque aussi cet inquiétant amalgame qui fait croire que les actes sont toujours rapportés avant même qu'ils se produisent, qu'elle les rend possibles aussi …].»
Allant jusqu'à dire : «Le national-socialisme n'a pas anéanti la presse, mais la presse a créé le national-socialisme.»
Destruction de la langue
Pour Kraus, la langue doit permettre à chacun de répondre à l'autre.
Or le discours national-socialiste dit une chose et son contraire. Il se réduit à une incantation.
C'est l'enchaînement d'énoncés sans lien logique les uns avec les autres, c'est le mauvais usage des mots, ce sont des faux sens, des slogans. Bref, c'est tout ce qui embrouille l'esprit et empêche de percevoir au-delà du mot écrit la réalité bien plus complexe qu'il prétend restituer.
Ainsi le national-socialisme exploite-t-il la dichotomie entre ses paroles et ses actes, coupant court à toute objection satirique consistant à le confronter à ses incohérences.
« Il y a une chose pire que le meurtre, c'est le meurtre avec mensonge ; et le pire de tout, c'est le mensonge de celui qui sait : prétexte d'une incrédulité qui ne veut pas croire au forfait mais croire le mensonge ; docilité de celui qui se fait aussi bête que le veut la violence. »
La langue n'a plus de sens, elle ne parle plus. elle devient un acte.
Fin
Après les élections de mars 1932 Hitler est nommé chancelier. le parti nazi remporte les élections du 5 mars 1933 avec près de 44 %des voix. En juillet 1933 le parti nazi devient parti unique.
Entre fin décembre 1932 et octobre 1933, Die Fackel ne paraît pas.
Mi-septembre 1933, Troisième nuit de Walpurgis est prêt à être imprimé, les dernières épreuves ont été corrigées, mais finalement Karl Kraus renonce à le publier
La satire n'est plus possible si la parole n'est plus parole mais acte.
Tel le psychiatre qui ne doit pas essayer de raisonner son patient psychotique car il sera inefficace.
Conclusion :
Le contenu de ce livre, notamment dans son analyse de la parole et du langage, rejoint l'actualité.
La confiance dans la parole des hommes politiques et dans celle des journalistes s'est fortement amenuisée
Mais tout le monde est devenu « journaliste » et à l'époque ou le twitt tend à remplacer les élections, tout le monde est comme un homme politique.
Le discours rationnel et scientifique peine et plus particulièrement devant le discours religieux et simili.
Et c'est l'affolement




Ps : dans le même domaine « La fausse Parole » du poète Armand Robin qui a passé une grande partie de sa vie à l'écoute des radios étrangères et notamment de la propagande soviétique.



Commenter  J’apprécie          90



Ont apprécié cette critique (9)voir plus




{* *}