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Critique de Foxfire


Billy Pilgrim est un opticien américain dans les années 60. Billy Pilgrim est aussi détenu par les trafalmadoriens qui l'exhibent comme un sujet de curiosité sur leur planète. Billy Pilgrim est aussi un jeune soldat américain prisonnier à Dresde en 1945. Billy Pilgrim est tout cela. En même temps. Car comme lui disent les trafalmadoriens, le temps n'est pas une succession de moments s'égrainant de façon linéaire, mais une superposition d'états.

A la lecture de cette tentative, ratée et complètement vaine, de résumé, on voit tout de suite qu'il est illusoire de chercher une logique dans ce roman. "Abattoir 5" est totalement inclassable. Récit de guerre, ingrédients de science-fiction, questionnements philosophiques, roman psychédélique... le roman de Vonnegut ne se prête à aucune classification. le récit de Vonnegut brise toute logique classique de narration. Car il est vain de chercher du sens à ce qui n'en a pas. "Le mot pourquoi ne veut rien dire" disent les trafalmadoriens à Billy. Expliquer l'absurde n'a pas de sens et quoi de plus absurde que la guerre et son cortège d'horreurs.

Si "Abattoir 5" est impossible à classer, il est aussi très compliqué d'en parler. Trouver les mots pour évoquer une lecture aussi singulière est difficile. J'imagine qu'il faut être dans un certain état d'esprit pour être touché par le récit de Vonnegut, que certains lecteurs se sentiront exclus, peinant à ressentir des émotions lors de leur lecture. Je devais être dans la bonne disposition pour recevoir ce roman qui m'a littéralement bouleversée. Ce texte écrit avec les tripes par un esprit torturé m'a soufflée. J'ai été secouée par le propos et transportée par la forme. "Abattoir 5" m'a remué le cerveau et le coeur.

Dans ce récit puissant, violemment anti-militariste, transparait une forme d'humanisme désabusée. Pour l'auteur, aucune horreur ne se justifie, aucune mort n'a de sens. A cet homme qui cherche à justifier le bombardement de Dresde par une sorte de "c'est eux qui ont commencé", Billy acquiesce mollement. Chercher un "parce que" à Dresde , à l'horreur de ces milliers d'êtres transformés en "farine humaine", n'a pas de sens. Et comme le temps n'existe pas tel que nous le concevons, cet instant d'horreur n'a pas de fin, il existe pour l'éternité. La guerre, même finie, est toujours là. Vonnegut a vécu la guerre, il a vu Dresde? Et Vonnegut, comme Billy, la vit encore et toujours, chaque instant étant permanent. Ce roman anti-militariste n'invite donc pas au devoir de mémoire car on ne se remémore pas quelque chose qui est, on ne se remémore que ce qui a été.

Il y a dans "Abattoir 5" un fatalisme désespéré qui peut déplaire. Ce constat de la barbarie éternelle est très pessimiste. Mais j'ai vu aussi dans "Abattoir 5" une lueur d'optimisme. Billy supporte l'indicible en se raccrochant aux souvenirs de ce qui a été et aux souvenirs de ce qui sera. On peut appeler ça l'imagination. En cela, Billy Pilgrim m'a rappelé Darrell Standing, le personnage du "vagabond des étoiles" de Jack London, qui s'évadait des murs de sa prison par la force de son imagination en revivant ses vies antérieures.
Ainsi, Vonnegut nous rappelle la force de l'imaginaire qui permet de supporter l'horreur de la condition humaine.

Challenge Multi-Défis 2016 - 28 (un roman qui se passe en temps de guerre)
Challenge Petits plaisirs 2016 - 23
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